Les députés ont achevé le 17 avril l’examen du projet de loi Climat et Résilience, qui fait l’objet d’une procédure accélérée. Avec plus de 7000 amendements déposés et près de 1000 amendements adoptés, l’Assemblée nationale a densifié le texte qui fera l’objet d’un vote solennel le 4 mai et qui devrait être examiné au Sénat en juin. Tour d’horizon des principales évolutions du volet « Se loger » pour les villes moyennes et leurs intercommunalités. Plusieurs dispositions du récent rapport d'Olivier Sichel, le directeur général délégué de la Caisse des Dépôts et directeur de la Banque des Territoires sur "une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés" ont été introduites. Plus globalement, les dispositions sur le patrimoine immobilier et l’artificialisation des sols ont été modifiées.
Patrimoine immobilier
Les députés ont introduit la possibilité pour les maires d'instituer des périmètres de ravalement obligatoire sur le territoire de leur commune, sans en passer par un arrêté préfectoral préalable. Toutefois pour Paris et pour une liste de communes fixée par arrêté préfectoral sur proposition ou après avis des conseils municipaux, la règle d'un ravalement obligatoire tous les dix ans est maintenue (article 43 ter). S’agissant du patrimoine immobilier, les collectivités les plus importantes (communes de plus de 50.000 habitants, départements et régions) et les EPCI de plus de 50.000 habitants auront l’obligation d'élaborer une stratégie pluriannuelle de réduction de la consommation énergétique de leur patrimoine immobilier à usage tertiaire (portant sur les obligations du "décret tertiaire" du 23 juillet 2019, avec les échéances de 2030, 2040 et 2050) (article 45 quinquies). En effet, le parc immobilier tertiaire contribue aux consommations énergétiques à hauteur de 17% (en énergie finale) et que le parc immobilier des collectivités locales, avec environ 280 millions de mètres carrés, représente à peu près le tiers du parc immobilier tertiaire national.
Artificialisation des sols
Les articles consacrés à l’artificialisation des sols ont été complétés. Ainsi, la définition de cette dernière ciblera l’atteinte aux fonctions écologiques des sols et les surfaces de pleine terre ne sont par ailleurs pas considérées comme artificialisées (article 48).
En commission spéciale, la temporalité imposée pour réviser les documents de planification et d’urbanisme afin d’introduire l’objectif de réduction par deux du rythme d’artificialisation sur les 10 prochaines années sur la base des 10 précédentes, a été allongée (cinq ans pour les Scot/six ans pour les PLU ou PLUI). La révision ou la modification du Scot, PLU ou carte communale devra être engagée, et non achevée, dans les 2 ans à compter de la promulgation de la loi, si le document régional n’a pas été modifié dans le délai imparti. La procédure de modification simplifiée pourra être utilisée par les collectivités.
Concernant la prise en compte des différences d’avancée et des spécificités locales, Villes de France a été entendue. En effet, l’objectif de division par deux de l’artificialisation ne pourra pas être opposé en cas de carence du Sraddet à intégrer les objectifs de la loi, lorsque les documents d’urbanisme ont été adoptés ou révisés depuis moins de dix ans et ont prévu une réduction d’au moins un tiers de leur consommation foncière sur les 10 années suivant leur adoption. En outre, devront être intégrés dans la prise en compte de l’objectif de réduction de l’artificialisation, les spécificités territoriales, notamment économiques et démographiques entre les différentes polarités, urbaines et rurales, du territoire, la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers déjà réalisée, ainsi que le potentiel foncier mobilisable dans les espaces déjà urbanisés. La déclinaison territoriale des objectifs prendra également en compte les enjeux spécifiques des communes classées en zone de revitalisation rurale (ZRR). Enfin, les grands projets d’envergure régionale ou nationale engendrant une artificialisation des sols seront décomptés avant de territorialiser le reste de l’enveloppe (article 49).
Évolution des PLU(i)
Les futurs PLU (i) devront intégrer l’OAP (orientation d’aménagement et de programmation) relative à la mise en valeur des continuités écologiques, autrement appelées "trame verte et bleue" (article 49 bis D). Les PLU devront également intégrer un échéancier prévisionnel pour l’ouverture à l’urbanisation, en s’appuyant sur les OAP (article 49 bis C). Ce même article réduit à six ans au lieu de neuf de la durée au terme de laquelle l’ouverture à l’urbanisation d’une zone à urbaniser (2AU) nécessite une révision du PLU. De même, l’article 49 bis G réduit à 6 ans le délai au bout duquel la collectivité procède à une analyse des résultats ou bilan de l’application du PLU, comme celui du Scot ou du PLH (programme local de l’habitat), de sorte que le délai corresponde à la durée du mandat des élus locaux. Les OAP auront des possibilités élargies de définir les actions et opérations nécessaires pour protéger les franges urbaines et rurales (article 49 bis E). Les PLU auront l’obligation de définir une part minimale de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables dans les espaces les plus denses, à savoir les zones d’urbanisation continue de plus de 50.000 habitants et les communes de plus de 15.000 habitants en forte croissance démographique (article 49 bis F).
Observatoires de l’artificialisation et de l’habitat
Les députés ont complété l’article 50 : un décret déterminera les conditions dans lesquelles l’État organise la mise à disposition aux communes (ou EPCI) des données qu'il est amené à collecter en destination de l'Observatoire de l'artificialisation mis en place dans le cadre du plan Biodiversité. En plus d'homogénéiser sur l'ensemble du territoire la méthode de production de la donnée et de faciliter ainsi les comparaisons territoriales, cette mise à disposition permettra aux communes de limiter le coût de production du rapport établissant l’état des lieux de l’artificialisation des sols observée sur l’année écoulée (ou tous les deux ans pour les communes de moins de 3.500 habitants) en exploitant directement de la donnée collectée et traitée par les services et agences de l’État
L’article 49 bis prévoit désormais un délai de deux ans pour la mise en place d’observatoires de l’habitat et du foncier, après que le PLH a été rendu exécutoire. Ils rendent compte annuellement du nombre de logements construits sur des espaces déjà urbanisés et sur des zones ouvertes à l’urbanisation. Le bilan annuel du PLH qui fait l’objet d’une délibération de l’EPCI est établi en s’appuyant sur les observatoires et comporte, pour chacune des communes, la comparaison entre les objectifs annualisés du PLH et les résultats de l’exercice écoulé. Les agences d’urbanisme peuvent apporter une ingénierie sur des territoires qui sont situés à proximité de leur périmètre d’action mais dépourvus de ce type de structure sur le long terme. Cet appui ponctuel, financé par une action de mécénat, est possible dans le cadre d’un contrat de projet partenarial d’aménagement ou d’une convention d’opération de revitalisation de territoire (ORT).
Convention de sobriétés foncière
L’article 49 quinquies permet l’élaboration avec les collectivités en charge de l’urbanisme et de l’aménagement et avec l’État de conventions de sobriété foncière, afin d’organiser l’ingénierie mobilisable, de préciser les besoins d’étude ou d’observatoire, d’identifier les programmes pour parvenir aux objectifs de sobriété foncière. Les conventions pourront être également signée par le président de la région. Elles servent alors à accompagner la préparation et la mise en œuvre des orientations du Sraddet. Ces conventions permettent le cas échéant d’acter les trajectoires de sobriété foncière passées et celles inscrites dans le Scot et les PLU opposables. Leur signature ne constitue une obligation pour les collectivités. Le préfet ne peut pas non plus être contraint par ces conventions dans l'avis qu'il délivre sur le document d’urbanisme, ni pour l’application des délais d’élaboration des documents d’urbanisme.
Favoriser la construction de logements notamment en centre-ville
Le champ de la dérogation aux règles des PLU prévue sous conditions pour les zones tendues, a été élargi selon plusieurs modalités pour produire du logement, notamment social, dans une logique de "densification raisonnée". Le périmètre d’application a notamment été étendu aux secteurs d’intervention comprenant un centre-ville des opérations de revitalisation territoriales (ORT) et aux grandes opérations d’urbanisme (GOU). L’autorité compétente pour délivrer
le permis de construire peut refuser les nouvelles dérogations, par décision motivée, en tenant compte de la nature du projet, de la zone d’implantation ou des objectifs fixés par le PLU en matière de réduction du rythme de l’artificialisation des sols. Une dérogation a été introduite aux règles des PLU pour les "constructions contribuant à la qualité du cadre de vie par la création d’espaces extérieurs en continuité des habitations" (balcons, jardins…), pour une hauteur égale à celle de l’immeuble contigu (article 51 bis A). L’article 53 bis A rend suffisante la majorité simple des colotis dans le cas où le maire souhaite augmenter le nombre de lots autorisés au sein du lotissement pour procéder à une subdivision. La procédure actuelle (majorité qualifiée) est estimée bloquante pour les initiatives de densification des zones pavillonnaires.
Interdire les grandes surfaces et limiter les parkings
Alors que l’article 52 établit un moratoire pour les grandes surfaces de plus de 10 000 m2, les députés ont introduit un examen par la Commission nationale d’aménagement commercial (Cnac) de toutes les demandes de dérogation pour des projets d’une surface de vente supérieure à 3.000 m2.
Un nouvel article 52 bis C introduit l’objectif de réduire de 50% l’emprise au sol des constructions de parking par rapport à la décennie précédente, dans les dix années suivant la promulgation de la loi. Cet objectif s’accompagne dans la même période de celui d’installer des ombrières pour 50% des surfaces de parkings extérieurs existants, et l’ensemble des parkings devront être végétalisés d’ici 2025.
L’article 52 bis qui renforce la capacité des collectivités territoriales à planifier le développement de l’implantation des entrepôts logistiques à vocation commerciale a été complété. Les nouveaux Daacl (document d’aménagement artisanal, commercial et logistique, au sein des SCOT) devront ainsi définir des secteurs d'implantation privilégiés au regard des besoins logistiques du territoire, et de la capacité des voiries existantes ou en projet à gérer les flux de marchandises et des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols.