Cette semaine, la mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments a remis son rapport devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale.
Présidée par Vincent Descoeur (LR – Cantal), avec pour rapporteure Marjolaine Meynier-Millefert (LREM – Isère), cette mission avait notamment pour objectif de dresser des pistes d’accélération permettant de développer « une véritable politique de rénovation des bâtiments » autour du triptyque pilotage-financement-filières.
Alors que le secteur du bâtiment représente un quart des émissions nationales de gaz à effet de serre, la mission évoque « un fossé » entre des objectifs ambitieux inscrits dans les textes et les moyens mis en œuvre. Ainsi, l’atteinte du niveau BBC (Bâtiment Basse Consommation) pour l’ensemble du parc résidentiel en 2050 semble donc « impossible si le rythme et la qualité actuels des rénovations restent inchangés ». Sans compter les besoins de
rénovation du parc tertiaire, dont les 280 millions de m2 pour les collectivités territoriales dont l’absence de données des classes énergétiques et de chiffrage de l’investissement rendent l’évaluation difficile.
La mission d’information a donc formulé 52 propositions
Tout d’abord la première tâche consiste à mettre en place des outils de mesure exhaustifs et fiables qui n’existent pas à l’heure actuelle pour s’assurer du respect des objectifs. Soit par une amélioration des moyens de l’Observatoire national de la rénovation énergétique voire par la création d’un organisme « chargé à la fois de l’analyse des données et du contrôle de la performance énergétique des bâtiments ». Idem en termes de pilotage de la rénovation. Face à la multiplication des acteurs, la mission propose la création d’un Conseil supérieur de la rénovation énergétique « chargé d’émettre des avis sur les réglementations le concernant, de piloter les différentes politiques liées à la rénovation énergétique et de participer à la gestion et à l’analyse du dispositif des CEE » à laquelle les collectivités participeraient.
Adapter les dispositifs d’aides aux besoins des publics
La mission s’est aussi intéressée aux aides à destination des ménages, entreprises et collectivités. Pour permettre la massification des rénovations, la mission insiste sur l’amélioration de la communication et l’information des publics, notamment en permettant l’implantation du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) au sein du réseau des maisons France Service.
Alors que le dispositif des aides est encore majoritairement orienté vers la rénovation par gestes, largement "irréaliste et contre-productive", la mission privilégie "une approche de la rénovation complète et performante, (…) qui doit être soutenue fortement dans sa montée en puissance, pour devenir la norme dans les prochaines années". Cela passe notamment par une réorientation des aides publiques vers ce type de rénovations, en visant plus particulièrement les ménages les plus modestes dans un premier temps.
La mission est également revenue sur une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, l’obligation de rénovation, en prônant la progressivité et l’assortiment d’un financement du reste à charge et de l’assistance à maitrise d’ouvrage par l’État.
Se doter d’une stratégie financière et budgétaire claire
Pour fixer un cap et pérenniser les financements, la mission souhaite la mise en place d’une loi de programmation pluriannuelle des aides à la rénovation. Les moyens fléchés vers la rénovation des bâtiments publics souffrent à ce jour « d’une opacité budgétaire qui nuit au bon pilotage de ce chantier » déplore le rapport. Cependant, il ressort qu’il existe encore une marge de financement conséquente pour les projets des collectivités (dotations de l’État, prêts de la Banque des Territoires, fonds européens, etc.). Les raisons de ce sous-emploi sont donc à creuser. S’y ajoute l’enveloppe budgétaire d’un milliard d’euros prévue par le plan de relance. Des points de vigilance sont à intégrer pour optimiser l’emploi de ces crédits et éviter de creuser les inégalités entre collectivités.
Certains instruments donnent par ailleurs des signes de fatigue. C’est le cas du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE), pour lequel le rapport recommande notamment un recentrage "sur les gestes les plus performants et les plus susceptibles de déclencher des bouquets de travaux". Plus largement, le rapport s’interroge sur la place et le rôle joué par les banques, les acteurs financiers et les sociétés de tiers-financement. Au-delà du cas spécifique de l’éco-PTZ, la puissance publique pourrait contribuer à abaisser les taux d’intérêt demandés aux entreprises pour des travaux de rénovation en instaurant un dispositif de garantie des prêts à la rénovation énergétique similaire à celui mis en place pendant la crise sanitaire. Il est aussi proposé de réfléchir à faire émerger des « opérateurs ensembliers » qui seraient à la fois maîtres d’œuvre et financeurs de la rénovation, et dont l’action pourrait englober et dépasser celle des sociétés de tiers-financement (STF). Enfin, un dernier axe concerne la structuration de l’offre grâce à la montée en compétence des filières. « Réussir à conduire un volume massif de rénovations énergétiques complètes nécessite de disposer de la main-d’œuvre, des entreprises et des professionnels qualifiés en nombre suffisant » souligne le rapport, prônant en particulier un investissement accru sur la formation initiale et continue des professionnels. Il existerait ainsi seulement 65.000 entreprises qualifiées RGE sur les 320.000 entreprises de bâtiment que compte le pays, et ce chiffre serait en recul depuis quelques années.
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