ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°596 -

Compte-rendu des débats


Crise de confiance entre organismes bancaires, crise de liquidités, dégradation des perspectives de croissance et de certaines notes souveraines, tensions sur le marché des titres publics de la zone euro, rumeurs de défaillances … et nouvelles mesures pour réduire le déficit public. C’est sur l’ensemble de ces thèmes que la Fédération des villes moyennes (FVM) a consacré, jeudi 15 mars 2012 à Paris, ses deuxièmes Rendez-vous de l’intelligence locale intitulés «  Faire face à la crise financière ».

 
« Crise bancaire, crise du financement des collectivités locales, et puis diminution des investissements civils dans le pays (…) c’est une perspective  si rien n'est fait et l'investissement public risque de connaître une crise dramatique » a souligné Christian Pierret, ancien ministre, président de la FVM et maire de Saint-Dié-des-Vosges.
Si l’on ajoute à cela la bombe à retardement des produits structurés, dont la sortie de période bonifiée intervient progressivement, « la gravité de la crise publique locale se révélera quelque temps avant les prochaines élections municipales ».
S’agissant des équilibres des finances publiques, « si la réduction du déficit structurel prévue par le programme de stabilité n’était pas réalisée, la dette publique continuerait à croître, et pourrait atteindre 100 % du PIB en 2015 ou 2016. Quel que soit le résultat des élections, il faudra donc les mêmes outils et le même courage pour affronter la crise ! »
Christian Pierret a précisé que « les maires des villes moyennes et leurs présidents d’intercommunalité souhaitent dans le même temps, continuer à investir ». Investir avec une baisse des dotations de l’État et une diminution de l’autonomie fiscale, avec une fiscalité ménage devenue majoritaire dans les ressources, et malgré le retrait des acteurs bancaires dans l’offre d’emprunts au secteur local. « Nous nous situons dans un véritable squeeze du financement des investissements des collectivités locales, et nos villes et leurs intercommunalités, sans banque ne savent pas aujourd'hui collectivement se financer.».

Décryptage de la crise

Lors de ces deuxièmes Rendez-vous de l’intelligence locale, de nombreux experts ont livré leurs réflexions, sur la place et la forme que va prendre le système bancaire dans l’économie d’après-crise, et sur la façon dont celui-ci va réagir aux transformations qui s’annoncent.
Ariane Obolensky, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), est revenue sur la genèse de la crise financière qui est bien née d’une crise bancaire, intervenue outre-Atlantique lors de l’été 2007. À l’origine, une mauvaise distribution du crédit et un environnement permissif. Une organisation des marchés défaillante, elle aussi. 
« Depuis, le problème de fond est devenu celui de l’endettement aggravé de la zone euro, et un environnement où les banques doivent s'adapter au modèle imposé par Bâle 3, et il y a là une véritable révolution. Schématiquement, l’on s’oriente vers un modèle où les banques feront moins de prêts directement à leurs clients ». (…) « Aujourd’hui, le problème du temps d’adaptation du système bancaire à ces normes prudentielles est un enjeu très important ».
 
Parmi les messages délivrés par Michel Aglietta, économiste - au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) - figure le piège d’une politique budgétaire qui n’aurait pour but que d’être restrictive. Selon lui, « il faut une politique de croissance au niveau européen et cela suppose un nouveau système de financement sur le long terme (…) Il faut ré-industrialiser en territorialisant et le niveau régional doit avoir plus de responsabilité pour investir ». Pour Michel Aglietta, il y a un intérêt immédiat à « renationaliser le financement de la dette publique, par exemple en fixant un niveau d’épargne au niveau national, ou en allongeant pourquoi pas le financement de la dette publique ». Quoi qu’il en soit, « avec une intermédiation qui sera de plus en plus non-bancaire - NDLR prépondérance des marchés financiers dans le financement de l’économie sur la base du modèle anglo-saxon - et face à la nécessité de mettre en place un acteur européen qui finance sur le long terme, le débat est lancé pour trouver de nouveaux systèmes de financement ».

Encourager la croissance potentielle

Christian de Boissieu, économiste, invité à s’exprimer en sa qualité de président du Conseil d'Analyse Économique, est revenu sur les niveaux projetés de croissance potentielle dans la zone euro à l’horizon 2020 (la croissance future d’un pays étant évaluée selon sa croissance démographique, sa quantité de travail sur les cycles de vie, et ses gains de productivité qui dépendent de l’investissement). « Il est urgent de travailler sur la croissance potentielle qui va être entre 1 et 1,3% par an dans la zone euro, ce qui n’est pas tenable ». Dès lors, « il faut mobiliser de manière intelligente l'épargne disponible et trouver la façon de financer de manière pérenne les dépenses d'avenir, pour faire que la France se maintienne en première division ». Parmi les pistes possibles, il y a la Banque Européenne d'Investissement (BEI) qui est sous-utilisé et pourrait emprunter 110 milliards par an au lieu de 65. Il y a aussi la mise à plat de la politique fiscale de l'épargne, et la mobilisation de l'épargne privée disponible (17 % des revenus des ménages).
Bernard de Longevialle, responsable de la notation de Standart & Poor's France, est plus brièvement revenu sur les causes de la dégradation : la difficulté de coordination européenne et l’incapacité à générer de la croissance, avec des dettes publiques élevées. Il a reconnu que la France se situait comme bon nombre de ses partenaires européens dans une crise de confiance qui perdure.

Réduire la dépense publique

En conclusion de ces interventions, Michel Pébereau, président d’honneur de BNP Paribas a rappelé en tant que grand témoin  - et comme en 2006 ! - qu’il fallait rompre avec la facilité de la dette publique.

« Il est indispensable d'avoir comme priorité la disparition des déficits publics  (…). La dette globale est de 1 700 milliards d'euros. Si les investisseurs prenaient peur, la charge annuelle d’intérêt (déjà 50 milliards par an), risquerait de devenir insupportable. A 56 % du PIB, nos dépenses publiques nous placent au premier rang mondial. La priorité, c’est une gestion très rigoureuse de ces dépenses. C’est ainsi que nous retrouverons des marges de manœuvre  pour la croissance ».

Constatant que le principe du « tout marché » avait eu des incidences lourdes dans la crise financière, Michel Pébereau a insisté sur le rôle de l’Europe. « Le Sommet de Paris a joué un rôle essentiel pour éviter que la crise de confiance qui a suivi la faillite de Lehmann Brothers devienne systémique. Et ce sont les européens qui ont lancé le G 20. Pour ce qui est du système bancaire français - en dehors du cas spécifique  de Dexia - Michel Pébereau a enfin souligné que nos grandes banques avaient passé la crise sans avoir à être sauvées par le contribuable  - à la différence de beaucoup de leurs concurrentes étrangères -, et que les crédits à l’économie avaient chaque année augmenté en France plus vite que dans les autres grands pays de la zone euro. Une régulation bancaire plus rigoureuse lui paraît souhaitable ; mais surtout des contrôles plus efficaces dans plusieurs pays étrangers. Vous retrouverez dans notre prochain Ondes moyennes, le compte rendu des débats de la deuxième plénière consacrée au financement des collectivités locales.

 
Retrouvez l’intégralité des débats des Rendez-vous de l’intelligence locale du 15 mars 2012, en vidéo sur : http://www.villesmoyennes.asso.fr

n°596

21 Mars 2012

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