ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°30 -

Loi NOTRe : l'organisation territoriale de la République continue d'être chamboulée


Débuté le 3 février par la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'examen du projet de Ioi portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) a recommencé le 17 février, en séance plénière. Adopté en première lecture le 27 janvier 2015 par les sénateurs, le texte est donc débattu par les députés, à partir de la version adoptée par la Commission des lois, qui reprend l’essentiel des dispositions du projet de loi initial. Entrecoupé par les vacances d’hiver, le débat reprendra à partir du 2 mars prochain, pour un vote solennel prévu le 10 mars 2015.
Le tournant opéré par la Commission des lois, en faveur de l’intercommunalité
En commission des lois, le texte avait déjà fait l’objet de vifs débats, notamment en ce qui concerne l’évolution de l’intercommunalité. Les députés de la commission ont en effet réintroduit le principe d’obligation de regroupement des EPCI pour atteindre le seuil des 20 000 habitants, qui avait été supprimé par les sénateurs et jugé incohérent par de nombreux maires, pour lesquels de tels regroupements ne relevaient d’aucune logique géographique cohérente et forçait des communes éloignées parfois de plus de 50 km les unes des autres à se regrouper. Difficile alors de percevoir dans quelle mesure le texte pourra vraiment donner à corps à son intention de « donner à l’intercommunalité une nouvelle dimension en mettant en conformité les périmètres des structures intercommunales avec celui des bassins de vie », comme l’a affirmé le rapporteur du texte Olivier Dussopt.
En outre, les députés de la Commission ont déposé un amendement visant à introduire l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, sur une circonscription unique (voir Ondes Urbaines de la semaine dernière). Cet amendement a contribué clairement à donner à ce texte une orientation plus marquée encore qu’envisagé au départ en faveur de l’intercommunalité, au détriment des communes. Ce virage amorcé avait même conduit l’AMF à dénoncer une « dérive législative ».
Protéger les communes... « grâce » à l’intercommunalité
Dans son discours d’introduction aux débats du 17 février, la ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu s’est voulue tout à la fois rassurante pour les communes, et déterminée à passer outre les réticences des élus locaux, lorsque ceux se perdent « dans la défense verrouillée de (leurs) intérêts locaux ». Les propos de la ministre ne seront sans doute pas de nature à rassurer les maires inquiets du sort qui sera réservé à leur commune, puisqu’elle a déclaré vouloir « protéger la commune... grâce à l’intercommunalité ». Marylise Lebranchu a appelé de ses vœux une intercommunalité « qui n’efface aucune identité, aucune histoire, aucune appartenance, et qui garantisse au contraire aux habitants des communes qui la constituent qu’ils auront, désormais, effectivement accès aux services qui font sens et qui font modernité ».
Selon la ministre, la commune doit pouvoir évoluer : « cessons de hurler au risque de dévitalisation des communes à chaque fois qu’une loi prévoit le transfert d’une compétence aux intercommunalités. Cessons de crier à la menace pour la proximité chaque fois qu’une loi prévoit que ces intercommunalités soient renforcées. À quoi servirait, en effet, la reconnaissance de nos communes, si les habitants de certaines pouvaient oublier les difficultés que connaissent les habitants des autres ? À quoi servirait la reconnaissance de nos communes, si leurs habitants ne pouvaient bénéficier d’un juste et égal accès à nos services publics ? »

 

Un pouvoir règlementaire renforcé pour les régions
Introduit à l’initiative du député Alain Rousset, président de la Région Aquitaine, un amendement important et à forte portée symbolique a été adopté, contre l’avis du rapporteur Olivier Dussopt et de la majorité socialiste, avec le soutien des députés UMP, UDI et verts. Cet amendement renforce le pouvoir règlementaire des régions, davantage que ne le prévoyait la disposition prévue en la matière par le Gouvernement : «Sous réserve du pouvoir réglementaire du Premier ministre prévu à l’article 21 de la Constitution, la région est compétente pour adopter les mesures d’application des lois concernant l’exercice de ses compétences en cas de non-renvoi au pouvoir réglementaire de l’État ou en complément de celui-ci.» En outre, «À défaut de réponse dans un délai de douze mois, le silence de l’État vaut acceptation. En cas de refus de ces propositions, le Premier ministre notifie aux régions concernées les motifs de ce refus dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande de modification ou d’adaptation
Confirmation de la suppression de la clause générale de compétence
Les députés ont confirmé la décision du Sénat de supprimer la clause générale de compétence pour les régions et pour les départements (déjà supprimée sous le Gouvernement Sarkozy, puis à nouveau rétablie par la loi MAPTAM votée il y a tout juste un an...), et ce « afin de clarifier les compétences respectives des régions et des départements et d’éviter toute entrave ou toute concurrence entre chacune de leurs spécialisations », selon les mots du rapporteur Olivier Dussopt.
Délégation de la compétence « emploi » aux régions candidates
Le projet de loi initial prévoyait d’accorder aux régions qui le souhaitaient d’expérimenter la coordination en matière d’emploi pour 3 ans, en dehors toutefois des prérogatives de Pôle Emploi, mais pour le compte de l’Etat. Finalement, les députés ont préféré la délégation optionnelle de la compétence aux régions volontaires, plutôt qu’une expérimentation. Les avis sont partagés sur la capacité ou non d’une coordination au niveau régional pour lutter contre « l’émiettement » des politiques de l’emploi sur le territoire.
L’avenir du département ?
Dans sa présentation, le rapporteur Olivier Dussopt a affirmé que les départements étaient bien maintenus et confirmés dans leurs fonctions. Il a rappelé les enjeux de ce débat, nécessitant de concilier la logique comptable qui pousse à la rationalisation de l’organisation territoriale de la République, avec les impératifs d’action sociale et de stabilisation du paysage institutionnel soumis à de fortes évolutions (élargissement des régions et renforcement de l’intercommunalité). Tenant compte de ces éléments, il a confirmé que le Gouvernement avait « décidé le maintien des départements dans leur forme actuelle », rappelant leur « utilité en matière de solidarité, tant entre les individus qu’entre les territoires, ce qui se traduit d’ailleurs par l’affirmation de compétences nouvelles au titre des solidarités territoriales, de l’ingénierie, de l’accès aux services ou de l’aide aux communes ».
De fait, certaines compétences retourneraient finalement au département, aux termes de ces premiers débats entre les députés : s’ils perdent la compétence relative aux transports scolaires, les départements gardent cependant la voirie, se voient renforcés en matière de développement économique (hors aides aux entreprises) et pourront enfin participer eux aussi au service public de l’emploi.
Néanmoins, Olivier Dussopt a ajouté qu’après 2020, l’évolution des départements serait mise à nouveau en débat, «même si la question se pose d’ores et déjà sur les territoires couverts par des métropoles. Le projet de loi tend d’ailleurs à organiser des délégations de compétences des départements vers les métropoles en 2017 et 2018 ».
Réapparition du Haut Conseil des Territoires
Enfin, les députés ont réintroduit la création d’un Haut Comité des Territoires que le Sénat avait supprimé de la loi MAPTAM. Ce comité, présidé par le Premier Ministre permettrait selon les députés de renforcer le dialogue entre l’exécutif et les pouvoirs locaux, il aurait vocation à :
- être consulté sur la politique du Gouvernement à l’égard des collectivités territoriales et sur la programmation pluriannuelle des finances publiques ;
- faire toutes propositions de réforme intéressant l’exercice des politiques publiques conduites par les collectivités territoriales ou auxquelles celles-ci concourent ;
- apporter au Gouvernement son expertise sur les questions liées à l’exercice par les collectivités territoriales de leurs compétences ;
- débattre, à la demande du Premier ministre, sur tout projet de loi relatif à l’organisation et aux compétences des collectivités territoriales ;
- être consulté sur tout projet de texte réglementaire ou toute proposition d’acte législatif de l’Union européenne intéressant les collectivités territoriales ;
- il serait associé aux travaux d’évaluation des politiques publiques intéressant les compétences décentralisées décidés par le Gouvernement ;
- il pourrait enfin demander au Premier ministre de saisir la Cour des comptes, en application de l’article L. 132-5-1 du code des juridictions financières, aux fins d’enquête sur des services ou des organismes locaux ou aux fins d’évaluation.
Il serait composé de 9 présidents de Conseil Régional (désignés par l’ARF),  9 présidents de Conseil départemental (désignés par l’ADF), 9 maires et 9 présidents d’EPCI, « dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat ».

Télécharger les articles adoptés à ce jour.
http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta-pdf/2553-p.pdf

 

n°30

25 Fév 2015

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