ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°588 -

Budget de l’enseignement supérieur - Les universités poussent un cri d’alarme


Le ministère de l’Enseignement supérieur a présenté, le 16 janvier dernier, la répartition des moyens des universités pour 2012: « Toutes les universités françaises et écoles d'ingénieurs voient les moyens que l'État leur accorde progresser. Cette hausse représente en moyenne 1,5% pour les universités et 1,4% pour les écoles ». Quant aux moyens de fonctionnement, Laurent Wauquiez annonce une progression moyenne de 1,2% pour les universités et de 0,9% pour les écoles d’ingénieur.

Ces moyens, précise le ministre, permettent de soutenir trois priorités:
- La progression de la masse salariale pour les établissements autonomes.
- La compensation de l’exonération des droits d’inscription des boursiers.
- Le renforcement des moyens des 20 universités dont l’effectif étudiant augmente et qui sont historiquement sous-dotées.
 
Dans un entretien à La Tribune paru le 23 janvier, Laurent Wauquiez affirme que le maximum a été fait par l'État pour les budgets 2012 des universités, et de reprocher à certaines régions des baisses de crédits dans ce domaine… Interrogé par l'AFP, le ministère a assuré que sur les 9 budgets votés à ce stade par les régions, 6 ont réduit les crédits pour l'enseignement supérieur: Auvergne, Bourgogne, Franche-Comté, Champagne-Ardenne, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées.
Une position officielle pour le moins surprenante! Il semble falloir rappeler aux représentants de l’État que l'enseignement supérieur ne figure pas dans les compétences obligatoires des régions, définies par les lois de décentralisation. Pas plus que dans celles des communes et intercommunalités, qui pourtant apportent un important concours financier aux formations supérieures et aux établissements qui les dispensent.

Communauté universitaire en colère

Un son de cloche différent du côté de la communauté universitaire… Les présidents d'université avaient déjà poussé un cri d'alarme, début octobre 2011, sur leurs difficultés financières. Pour certaines universités, la situation est effectivement critique. En novembre, plusieurs universités étaient en déficit et certaines ont été mises sous tutelle. Pas surprenant que la réunion du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cnser) prévue initialement le 16 janvier, et au cours de laquelle le ministre devait présenter le budget 2012, ait été largement boycottée « en signe de profonde réprobation et de colère » contre un budget « en régression » et « les opérations de camouflage du ministère ». Faute de quorum, elle a donc été reportée au 23 janvier.
 
Des voix s’élèvent non pas pour dénoncer l’autonomie, souvent considérée comme bénéfique, mais le manque de moyens et de personnels qualifiés pour gérer les nouveaux budgets.
Pour faire accepter sa réforme, Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur de 2007 à 2011, avait beaucoup promis: 15 milliards d'euros sur cinq ans. « On est loin du compte », souligne Khaled Bouabdallah, président de l'université Jean-Monnet Saint-Étienne. Selon l’OCDE, la France avec 11000€ par étudiants reste loin des dépenses par étudiant et par an de la Suisse (15 700€) ou de la Suède (15 210€). Même si, incontestablement, les dotations de l’État français ont progressé depuis 2007. « On nous dit que l'enseignement supérieur est mieux traité que les autres secteurs. Mais si l'on tient compte de l'inflation et de l'accroissement des charges, le budget 2012 est en réalité en recul en euros constants », fait valoir Louis Vogel, président de la Conférence des présidents d'université, dans un entretien accordé au Monde le 19 janvier.
 
L’autonomie a un coût. Et nombreuses sont les universités qui ont dû geler des postes et fermer des formations pour atteindre l’équilibre budgétaire. Le problème ne vient pas d’une mauvaise gestion de la part des universités, mais d’une dérive dans le transfert des charges aux universités, sans que les moyens ne suivent. Les difficultés viennent d’un calcul serré du socle de départ et d’augmentations mécaniques de la masse salariale sur lesquelles les universités n’ont pas de prise: ancienneté, rattrapages de carrière décidés au niveau national, promotions des enseignants-chercheurs, augmentations de primes décidées par l’État, augmentation des cotisations employeurs pour les transports, cotisations nouvelles que l’État ne payait pas mais impose aux établissements…
De plus, l’autonomie a donné lieu à un transfert de compétences pour lesquels les universités sont obligées de recruter des personnels. Or, les fonctionnaires qui jusqu’alors géraient, au niveau des rectorats, les budgets n’ont pas été transférés aux universités avec la masse salariale… Les universités ont donc bien été obligées de recruter des personnels qualifiés.

Service public en danger

Hier se tenait une nouvelle réunion du Cnser sur le budget 2012, la communauté universitaire a nettement rejeté (29 voix contre, 12 pour, 6 abstentions) le budget présenté par le ministère. Une large intersyndicale a aussi adopté une motion par 32 voix pour (3 contre, 5 abstentions), considérant que « ce budget ne répond pas aux besoins du service public d’enseignement supérieur et de recherche, et ne lui permet pas de remplir ses missions ». Les signataires de la motion ont également ajouté que « ce budget en recul en pouvoir d’achat conduit les établissements à gérer la pénurie en gelant massivement des emplois titulaires, en accroissant la précarité et le recours aux agents non titulaires, en supprimant des heures d’enseignement ».
Les moyens des universités augmentent donc en 2012 de 25,2M€, 1,2% de hausse en moyenne, soit moins que le taux d'inflation prévu à 1,7%.

n°588

25 Jan 2012

2






Partager sur :



Directeur de la publication
Président : Gil Avérous

Directeur de la publication
Jean-François Debat

Rédacteur en chef
Guillaume Ségala

Rédaction
Armand Pinoteau, Margaux Beau, Arthur Urban, Anaëlle Chouillard

Secrétariat
Anissa Ghaidi