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Finances

Une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise



Dans un document mis en ligne ce mardi 15 juin, la Cour des comptes vient de répondre officiellement au Premier ministre, qui lui avait confié au mois de février dernier, une mission sur la stratégie de finances publiques d’après-crise.
Quelles que soient les perspectives de croissance en sortie de crise, la crise sanitaire laissera des marques durables sur l’économie française et les finances publiques. Dans ce contexte, les sages de la rue Cambon indiquent que la soutenabilité de la dette publique est un enjeu de souveraineté : il s’agit d’une condition nécessaire pour faire face aux chocs économiques futurs et rester en mesure de financer les politiques et le fonctionnement des administrations publiques.
Pour assurer cette soutenabilité, la Cour propose une stratégie reposant sur deux piliers : le renforcement de la croissance potentielle et la maîtrise des dépenses publiques. Cet effort devra s’accompagner d’une rénovation du cadre de la gouvernance des finances publiques, d’une amélioration de la qualité de la dépense publique dans cinq secteurs prioritaires et du renforcement de l’équité et de l’efficience des politiques (dont celles des collectivités locales) et des administrations publiques. À cette fin, la Cour formule 27 recommandations.

Un impact durable de la crise
L’épidémie de Covid-19 a marqué la France comme le reste du monde. L’activité s’est contractée de 7,9 % en 2020 et rebondirait de manière seulement partielle en 2021 (+5 % selon le programme de stabilité). Sous l’effet des mesures de soutien exceptionnelles visant à accompagner les particuliers et les entreprises, le déficit public a atteint 9,2 points de PIB en 2020 et pourrait s’élever à 9,4 points en 2021. La dette publique s’établirait quant à elle à un niveau proche de 117 points de PIB en 2020 et 2021.
La dégradation du déficit public en 2020 s’explique par l’ampleur des dépenses publiques visant à protéger le revenu des ménages et des entreprises et par la baisse massive des recettes, sous l’effet du ralentissement de l’activité économique. Le maintien d’un déficit élevé en 2021, en dépit du rebond attendu de la croissance, tient d’une part à la prolongation des mesures de soutien, à la montée en puissance du plan de relance et à des mesures pérennes de dépenses, et, d’autre part, au rebond partiel des recettes fiscales et sociales et l’amplification des baisses de prélèvements.
Si la hausse du ratio d’endettement ne s’est pas accompagnée d’une hausse de la charge d’intérêts, ni de difficulté de financement de la dette, cette situation résulte largement de l’action de la Banque centrale européenne et du niveau bas des taux d’intérêt. À plus long terme, la poursuite de la hausse du ratio d’endettement risquerait de fragiliser la confiance des acteurs économiques dans la capacité de la France à honorer ses engagements passés et à venir.

Une stratégie de renforcement de la croissance
Pour assurer la soutenabilité des finances publiques, La Cour estime tout d’abord nécessaire de renforcer le niveau de la croissance potentielle de la France. Pour cela, il convient de poursuivre quatre objectifs complémentaires :
 - concentrer l’effort d’investissement public sur des priorités ciblées afin d’en maximiser l’impact, notamment pour favoriser l’innovation, la recherche, l’industrie et le développement des compétences ;
 - soutenir la transition écologique, en définissant mieux et en mettant en cohérence les investissements verts prioritaires, et tirer davantage parti des effets démultiplicateurs de cette transition écologique ;
 - contribuer à l’accélération de la transformation numérique en accompagnant l’essor de technologies performantes, inclusives et sécurisées, et en amplifiant l’adaptation numérique des services publics ;
 - renforcer les capacités de résilience en hiérarchisant, évaluant et prévenant mieux les risques de toute nature, et en se préparant mieux à la gestion de crise.

Réduire progressivement le déficit pour baisser la dette
Parallèlement à cette stratégie de croissance, la stratégie de finances publiques devra viser à réduire progressivement le déficit public pour installer la dette sur une trajectoire de baisse durable. Cette consolidation pourrait débuter en 2023, une fois retrouvé le niveau d’activité d’avant-crise, sous l’hypothèse d’une fin de la crise

 

sanitaire d’ici la fin de cette année.
La fin 2021 et l’année 2022 seraient ainsi mises à profit pour sortir progressivement des principales mesures de soutien et mettre en œuvre les mesures du plan de relance. Cette consolidation devrait privilégier une maîtrise renforcée des dépenses publiques pour en réduire le poids dans le PIB, à un rythme suffisant pour permettre la décrue de l’endettement public au plus tard en 2027.

Réformer la gouvernance des finances publiques
Cette démarche visant à conforter la soutenabilité des finances publiques devrait s’appuyer sur une réforme du cadre de la gouvernance des finances publiques, au niveau européen et national. Au niveau européen, les réflexions engagées avant la crise pour une rénovation des règles du pacte de stabilité et de croissance mériteraient d’être poursuivies pour permettre une évolution des règles avant la fin de la « clause dérogatoire générale » déclenchée par la Commission pendant la crise sanitaire. Cette réforme des règles du pacte de stabilité et de croissance pourrait s’articuler autour de quelques principes :
 - une règle simple permettant de s’adapter à la situation des pays, notamment à leur niveau d’endettement, et portant une attention particulière à la qualité de la dépense ;
 - une règle qui ne soit pas pro-cyclique ;
 - une règle qui permette de privilégier l’investissement au sein de la dépense publique ;
 - une règle qui s’appuie davantage qu’aujourd’hui sur l’expertise des institutions budgétaires indépendantes nationales pour crédibiliser les scénarios et évaluer les mesures prises par les États membres. Au niveau national, il s’agirait notamment de définir des trajectoires de moyen terme comportant des enveloppes pluriannuelles de dépenses et de mesures nouvelles en recettes, comportant une provision pour faire face aux aléas, de renforcer la portée des lois financières et d’élargir le mandat du Haut Conseil des finances publiques.

Efficience des politiques et administrations publiques
Le niveau de la dépense publique en France est sensiblement plus élevé que dans des pays dont le modèle social est comparable au nôtre. Cet écart s’est creusé sur la période récente, sans que cette évolution ait résulté d’un accroissement équivalent de la qualité des services publics.
Cinq secteurs-clés, dont celui des collectivités locales, pourraient faire l’objet de réformes visant à améliorer la qualité de la dépense publique :
 - le système des retraites, qui, malgré des réformes qui ont eu un impact positif, n’est toujours pas équilibré de façon pérenne ;
 - les dépenses d’assurance maladie, dont la qualité doit être renforcée ;
 - la politique de l’emploi, afin de mieux ajuster, notamment en matière d’indemnisation du chômage, les dépenses aux cycles économiques, et d’améliorer leur efficacité pour prévenir le chômage de longue durée ;
 - les minima sociaux d’une part et la politique du logement d’autre part, dont il faut accroître l’efficacité et le ciblage, notamment en direction des ménages les plus défavorisés.
Il apparaît également nécessaire de renforcer l’efficience et d’améliorer la qualité des services rendus aux citoyens par l’ensemble des collectivités territoriales et des administrations publiques, autour de quatre orientations :
 - procéder à une revue des missions des administrations ;
 - développer la contractualisation pluriannuelle sur les objectifs et les moyens (NDLR revenir aux contrats de Cahors), en contrepartie d’une plus grande liberté de gestion ;
 - simplifier l’organisation des administrations et à alléger les procédures administratives et les normes ;
 - favoriser davantage de transparence en développant les évaluations de politiques publiques et en tenant mieux compte de leurs résultats, en contrôlant davantage les dépenses et en luttant plus efficacement contre la fraude, notamment en ce qui concerne les dispositifs mis en place pendant la crise sanitaire.

Télécharger le rapport de la Cour des Comptes

n°305

17 Juin 2021




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Président : Gil Avérous

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Rédacteur en chef
Guillaume Ségala

Rédaction
Armand Pinoteau, Margaux Beau, Arthur Urban, Anaëlle Chouillard

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