Les jeunes sortis de l’enseignement supérieur en 2010, interrogés dans le cadre des enquêtes Génération*, n’échappent pas à la dégradation de la conjoncture. Bien que plus diplômés sous l’effet de la réforme du LMD, ils sont plus souvent au chômage et un peu moins rémunérés que leurs prédécesseurs sortis en 2004. Les non-diplômés restent les plus exposés, mais l’insertion des diplômés de la voie professionnelle subit également les effets de la crise.
Augmentation du taux de chômage des diplômés
Les 369.000 jeunes sortis de l’enseignement supérieur en 2010, soit 3% de plus qu’en 2004, sont pourtant plus diplômés que leurs prédécesseurs. En effet, la généralisation du LMD a entraîné, par un jeu de vases communicants, une élévation du niveau général, et une modification de la structure des sortants. Ainsi, la part des sorties au niveau bac+2 (diplômés de BTS ou DUT) a reculé au profit du niveau L3 (notamment les licences professionnelles). Les sorties au niveau M1 se sont raréfiées, alors que le master 2 est en passe de devenir le diplôme le plus délivré. Au final, en 2010, près d’un jeune sur trois issu de l’enseignement supérieur entre sur le marché du travail avec un diplôme du supérieur long en poche (bac+5 et plus). Cette élévation du niveau de diplôme ne s’est pas traduite par une insertion professionnelle plus aisée. En 2013, trois ans après leur sortie de l’enseignement supérieur tous niveaux confondus, 13% des jeunes actifs sont au chômage. Ce taux est en hausse de quatre points par rapport à la Génération 2004.
Les disparités observées sur le taux de chômage et les salaires restent liées au niveau de sortie, mais également à la filière et à la spécialité de formation. Au sein du supérieur court, les diplômés de bac+2/+3 en santé social restent les mieux protégés face au chômage et les mieux rémunérés, suivis par les diplômés de licence professionnelle. Les salaires perçus par les diplômés de bac+5 et plus sont plus élevés quel que soit le diplôme, et les taux de chômage inférieurs, hormis pour les diplômés de master universitaire.
Des glissements se sont donc produits dans la structure des sorties par diplôme. Dans l’enseignement supérieur court, on observe un déport de bac+2 à bac+3. Aux niveaux plus élevés, la croissance des diplômés de master 2 supplante le master 1 devenu marginal. Par ailleurs, souligne le Céreq, « la stabilité des effectifs de sortants sans diplôme et leurs difficultés croissantes interrogent les actions mises en place pour lutter contre l’échec dans l’enseignement supérieur ».
Les diplômés des filières professionnelles ne sont plus épargnés
Le poids des filières professionnelles courtes (bac+2/+3) au sein de l’enseignement supérieur est en recul par rapport à la Génération 2004 (-3 points). Les jeunes en sortent néanmoins plus diplômés, avec des effectifs de licenciés professionnels qui ont plus que doublé en six ans (+118%). Les titulaires de BTS/DUT sont toujours plus nombreux à poursuivre leurs études, principalement en licence professionnelle et en particulier pour les spécialités de BTS et DUT qui concentrent le plus d’effectifs : les sciences de l’ingénieur et la gestion.
La crise n’a pas épargné les sortants de ces filières. Bien que plus diplômés, et plus souvent issus de l’apprentissage que leurs aînés de 2004, ils voient leur taux de chômage augmenter. La détérioration est nette pour chaque niveau : +6 points pour les BTS/DUT et +5 points pour les licences professionnelles. Les diplômés de licence professionnelle accroissent néanmoins légèrement leur avantage sur les BTS/DUT. Pourtant, ils n’ont jamais affronté un chômage aussi élevé (10% en 2013). Par ailleurs, l’obtention d’une licence professionnelle permet en moyenne d’accéder à des emplois plus rémunérateurs et plus qualifiés qu’un BTS ou un DUT, même si l’écart salarial observé pour la Génération 2004 (+200€) se réduit pour la Génération 2010 (+140€).
Malgré la légère dégradation observée au niveau bac+2, les diplômés passés par la voie de l’apprentissage conservent leur avantage relatif sur le marché du travail. Moins souvent au chômage que leurs homologues de BTS/DUT, ils occupent des emplois plus qualifiés et plus rémunérateurs que les non-apprentis : en 2013, quel que soit le diplôme, leur salaire net médian est supérieur de 200€.
Aggravation de la situation des non-diplômés
En dépit des mesures mises en œuvre pour prévenir le décrochage à l’université, via le plan Réussite en licence, la part des non-diplômés de l’enseignement supérieur reste supérieure à 20%. La part des échecs en première année a certes légèrement baissé. Elle demeure cependant très élevée en licence (76% des non-diplômés de ce niveau ont échoué dès la première année) comme en DUT (80%), alors qu’elle est plus faible en BTS (38%). Les bacheliers des filières technologiques et professionnelles issus de spécialités tertiaires, toujours plus nombreux à tenter leur chance dans l’enseignement supérieur, représentent une part croissante de ces échecs (+7 points par rapport à 2004), tant dans la voie générale que professionnelle.
À chaque génération, le risque de chômage progresse pour les sortants sans diplôme du supérieur. La Génération 2010 n’y fait pas exception, bien au contraire : après trois années de vie active, près de 25% des actifs sans diplôme sont au chômage (16% pour la Génération 2004). Les effets de la crise se font également sentir sur la qualité des emplois.
Avec ou sans lien avec leurs difficultés d’insertion à l’entrée dans la vie active, près d’un jeune sur deux sortant non diplômé de la voie générale et un jeune sur trois sortant de la voie professionnelle ont repris leurs études ou suivi une formation au cours de leurs trois premières années de vie active. Le retour en formation peut constituer une réponse pour pallier les difficultés d’insertion… sous réserve de l’obtention d’un diplôme.
* : Le Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) a mis en place, en 1998, un dispositif d’enquêtes original qui permet d’étudier l’accès à l’emploi des jeunes à l’issue de leur formation initiale. Depuis, tous les trois ans, une nouvelle enquête est réalisée auprès d’un échantillon représentatif de jeunes qui ont en commun d’être sortis du système éducatif la même année quel que soit le niveau ou le domaine de formation atteint, d’où la notion de "génération".