ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°175 -

Le rapport Borloo propose un changement radical d’approche


Lancée par le président de la République le 14 novembre dernier à Roubaix, la « mobilisation générale » autour de la politique de la ville vient de voir s’achever une première étape. L’ancien ministre de la Ville Jean-Louis Borloo, chargé d’une mission sur le sujet par Emmanuel Macron, a rendu des conclusions, avec l’aide de dix groupes de travail thématiques installés le 10 janvier par le ministre de la Cohésion des territoires. L’association Villes de France a été notamment associée au groupe de travail « Entreprises et quartiers » au premier trimestre 2018. Attendu aux « États généraux de la politique de la ville » qui se tenaient le 26 avril 2018 après-midi, Jean-Louis Borloo a pu dévoiler le contenu de son plan aux acteurs de la politique de la ville et élus, qui reprend nombre de leurs propositions.
La méthode
Le rapport de Jean-Louis Borloo, intitulé « Vivre ensemble-vivre en grand la République », dresse un constat inquiétant des territoires marqués par la politique de la ville et propose un « changement radical dans la conduite de l’action publique » envers les QPV (quartiers politique de la ville). Le rapport Borloo, ainsi que les propositions formulées par les dix groupes de travail nationaux formés par le ministère de la Cohésion des territoires et celles émanant des concertations organisées par les préfets avec les acteurs de terrain, permettront de nourrir le plan de mobilisation en faveur des quartiers préparé en ce moment par le Gouvernement. Ce plan sera annoncé par le président de la République dans le courant du mois de mai. Ce rapport préconise « 19 programmes qui peuvent démarrer tout de suite ». Chacun de ces programmes serait piloté en tant que tel par une ou deux personnalités reconnues, un « chef d’état-major » et une équipe de très haut niveau se chargeant d’impulser l’ensemble du plan. Parallèlement, un comité de suivi présidé et constitué de personnalités d’envergure nationale assurerait le suivi de la mise en œuvre des programmes.
Les programmes
Le premier d’entre eux porte sur la « relance de la rénovation urbaine », laquelle passerait « a minima » par un changement de gouvernance de l’ANRU qui devrait être pilotée par les financeurs, les agglomérations et les bailleurs concernés, et « a maxima » par la création d’une « Fondation appartenant à la Nation », regroupant les collectivités territoriales, les financeurs, les partenaires sociaux et les bailleurs. Il s’agirait de traiter en priorité les copropriétés en difficultés ou dégradées, en désignant la CDC comme « pilote national », puis de lutter contre la découpe des pavillons par les « marchands de sommeil », et de soutenir les commerces de proximité dans les quartiers inscrits en renouvellement urbain. Le rapport Borloo souligne également l’importance des transports qu’ils soient « publics, individuels ou doux ». Quatre programmes sont dédiés à l’éducation, avec la mise en place d’une véritable « cité éducative » qui regrouperait autour du collège « tous les acteurs prêts à soutenir l’éducation des enfants », de la petite enfance (création de 30 000 places et de 300 maisons d’assistantes maternelles) à la création d’une « académie des leaders » (destinée à alimenter les trois fonctions publiques, mais avec des critères de sélection différents du modèle de l’ENA), en passant par la bataille contre l’illettrisme. La culture et le sport sont au cœur des préconisations, et Jean-Louis Borloo suggère que chaque enfant scolarisé en QPV puisse partir plusieurs fois dans sa scolarité « à la rencontre de l’autre ». Le droit à la santé serait assuré par la création de 200 maisons de santé supplémentaires et le développement de consultation de télémédecine. Des conventions pluriannuelles d’objectifs de trois ans auraient vocation à sécuriser les associations de terrain. La présence des femmes dans la gouvernance et la mixité des activités serait une condition d’obtention de subventions pour ces structures.
Mobiliser les territoires
Le nombre des apprentis et d’alternants serait doublé en trois ans, en mobilisant les petites et les grandes entreprises, si besoin en ayant recours à la loi. Le secteur public devrait recruter 50 000 apprentis dans les quartiers prioritaires. Le déploiement du « coaching personnalisé », en s’appuyant sur les réseaux sociaux, devrait permettre les jeunes de s’intégrer professionnellement. 720 conseillers supplémentaires seraient nécessaires pour accompagner 150 000 demandeurs dans ces quartiers. Surtout, le rapport propose de donner aux communes les moyens d’agir, en permettant aux villes classées en rénovation urbaine de pouvoir aller jusqu’à 2 % d’augmentation de la dépense par an sans inclure dans l’augmentation les dépenses liées aux programmes eux-mêmes. Il est suggéré de créer un fonds d’urgence de 500 millions d’euros par an pour l’investissement. « Ce fonds d’urgence mobilisera une partie des crédits de la DPV à hauteur de 100 millions d’euros, de la DSIL 150 millions d’euros, des crédits budgétaires de l’État de 100 millions d’euros et de la Caisse des Dépôts et Consignation 50 millions d’euros ». Ce fonds pourra être utilisé pour financer des dépenses de fonctionnement ou d’équipement indispensables, pour aller vers « le minimum qu’exige l’égalité républicaine ». En complément, « 60 villes très pauvres ne peuvent pas compter pleinement sur leurs intercommunalités car elles sont elles-mêmes souvent fragiles ». Pour elles, « un fonds de 120 millions d’euros par an permettra de contribuer aux dépenses indispensables de fonctionnement et d’investissement de ces collectivités locales ». Jean-Louis Borloo préconise aussi de renforcer la lutte contre les discriminations et de créer une nouvelle juridiction administrative, la « cour d’équité territoriale » qui pourrait être saisie par « quiconque s’estime discriminé sur une base territoriale par les pouvoirs publics ». Ainsi chaque responsable public devra donc « prouver, chiffres à l’appui, qu’il a mis en œuvre les moyens susceptibles de contribuer à réduire les inégalités d’accès aux services publics », en réallouant ses crédits ou ses effectifs dans les

 

territoires moins bien desservis, « en opérant une forme de péréquation ou même en instaurant des mesures de discrimination positive temporaire, pour atteindre un standard minimum ».
- Interview de Jean-Louis Borloo sur « BFM Politique » (29 avril 2018)
- Lire l’intégralité du rapport Borloo (26 avril 2018).

n°175

02 Mai 2018

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