La réforme de la DGF inscrite à l’article 150 de la LFI 2016 a été reportée une première fois au 1er janvier 2017 en raison de la refonte de la carte intercommunale, et du manque d’éléments d’information pour le débat budgétaire. Le Sénat et l’Assemblée nationale ont alors décidé de créer des groupes de travail afin de lever ces différents points de blocage, tout en conservant l’architecture de l’article 150.
Les groupes de travail se sont réunis pour travailler sur les thèmes suivants : l’articulation entre la réforme de la DGF et la baisse des dotations, l’architecture de la dotation forfaitaire, les dispositifs de péréquation verticale et la DGF des EPCI. Au niveau de la méthode, plusieurs séances d’ajustement ont été nécessaires entre les rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du Sénat (Charles Guéné et Claude Raynal) et les rapporteures de l’Assemblée nationale (Christine Pirès-Beaune et Véronique Louwagie), réunis au sein d’un comité de pilotage.
Le groupe de travail a entendu les ministres Jean-Michel Baylet et Estelle Grelier, et consulté les associations d’élus, sollicitées pour l’envoi de contributions écrites et invitées à participer à une table ronde (voir la contribution de Villes de France).
À la suite du second report de la réforme à 2018 par le Gouvernement, le groupe de travail propose de remédier dès 2017 aux problèmes urgents posés par la DGF actuelle : les « DGF négatives », le financement de la péréquation verticale, l’effet de seuil de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et le fonctionnement en enveloppes de la DGF des EPCI, et enfin définir les principes pouvant constituer le socle d’une future réforme de la DGF à partir de 2018.
Le « rebasage »
Afin de comparer des entités comparables (communes à FPU ou non), le groupe de parlementaires propose d’« homogénéiser » les DGF des communes et des EPCI en globalisant (de façon neutre pour chaque commune et EPCI à travers les attributions de compensation) les compensations de l’ancienne taxe professionnelle au niveau des EPCI, quel que soit leur statut fiscal.
Il serait également possible de faire reposer la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) sur d’autres vecteurs que la DGF. En effet, la CRFP n’est pas un prélèvement sur la DGF, mais un prélèvement sur les recettes réelles de fonctionnement (RRF).
Afin d’éviter les « DGF négatives », l’article 150 prévoit de redonner une DGF aux communes les plus « riches », qui seraient dès lors les principales bénéficiaires de la réforme. Il est proposé de définir une « dotation de référence » pour chaque commune, objectivée, ce qui permettrait de supprimer les « DGF négatives » sans remettre en cause la CRFP.
Les conséquences de l’article 150 étaient difficiles à analyser, car elles n’étaient pas séparées de la CRFP et la
masse globale variait selon l’année prise en compte. Ce mécanisme de « rebasage » permettrait ainsi de conserver un montant de DGF constant dans le temps, la CRFP s’imputant avant le calcul de la dotation de référence, et faciliterait donc les comparaisons dans le temps.
Financement de la péréquation verticale
Les « emplois internes de la DGF » (coûts de l’augmentation de la population notamment) ainsi que la moitié de la hausse de la péréquation verticale sont traditionnellement financés par un prélèvement sur la dotation forfaitaire.
Jusqu’en 2014, intervenait l’écrêtement péréqué (en fonction du potentiel fiscal par habitant) du complément de garantie uniquement pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 75 % du potentiel fiscal par habitant moyen. Cet écrêtement est plafonné à 6 % du complément de garantie. Entre 2010 et 2014, le complément de garantie est ainsi passé de 5 123 millions d’euros à 4 732 million s d’euros (- 8 %).
Depuis 2015, l’écrêtement péréqué (en fonction du potentiel fiscal par habitant) de la dotation forfaitaire intervient uniquement pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 75 % du potentiel fiscal par habitant moyen (avec l’application d’un coefficient logarithmique à la population). Cet écrêtement est plafonné à 3 % de la dotation forfaitaire. En 2015, l’écrêtement total s’est élevé à 151 millions d’euros. Il en résulte un report sur les autres communes qui sera de plus en plus important. En 2016, d’après les chiffres de la direction générale des collectivités locales, ce sont 51 millions d’euros qui ont ainsi été reportés. Entre 2013 (dernière année avant la CRFP) et 2015 plus de 10 000 communes ont vu leur prélèvement augmenter plus que proportionnellement à la hausse globale du prélèvement. Pour plus de 7 000 communes, ce prélèvement a augmenté de plus de 50 % et même de plus de 100 % pour 4 500 communes. Ce mécanisme d’écrêtement a pu expliquer certaines incompréhensions légitimes, lors des notifications de la dotation forfaitaire. Le groupe de parlementaires préconise de faire évoluer le plafonnement, en le supprimant, ou bien en en augmentant progressivement le taux
La péréquation verticale
Pour mémoire, en 2016, les dotations de péréquation verticale comprennent la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) d’un montant de 1,91 milliard d’euros en 2016, la dotation de solidarité rurale (DSR) d’un montant de 1,24 milliard d’euros en 2016 et la dotation nationale de péréquation (DNP) d’un montant de 794 millions d’euros, en 2016.
Elles représentent en 2016 un montant total de 3,95 milliards d’euros, soit 32 % de la DGF des communes.
L’article 150 de la LFI pour 2016 réforme ces trois dotations : il supprime la DNP dont les montants afférents aux communes de - 10 000 habitants abondent la DSR, et ceux des communes de plus de 10 000 habitants abondent la DSU.
La DSU est réservée aux 2 premiers tiers des communes de + 10 000 habitants, et la progression de la DSU est répartie entre l’ensemble des communes éligibles et non plus entre les 250 premières (DSU cible) avec un coefficient de 0,5 à 2 en fonction du rang de classement à l’indice synthétique.
Recentrer la DSU et corriger les effets de seuil
Comme va le proposer le CFL (voir notre dernier numéro d’Ondes urbaines), le groupe parlementaire estime préférable de retenir uniquement des modifications de la DSU, répondant aux souhaits, assez largement partagés, d’éviter à la fois le saupoudrage et les effets de seuils trop brutaux. A ce stade, la DSR qui concerne un nombre très important de communes (33 850 communes éligibles à la DSR péréquation) ne serait pas modifiée indépendamment d’une réforme plus globale des différentes dotations. Il est apparu souhaitable de conserver la DNP en l’état, dans l’attente d’une réforme de l’architecture des dotations de péréquation, qui pourrait reposer sur deux enveloppes (DSU/DSR) ou trois enveloppes (DSU/DSR/DNP), car il serait sans doute difficile de recréer une dotation générale de péréquation une fois la DNP supprimée.
En matière de péréquation, les propositions sont donc les suivantes :
- recentrer l’éligibilité à la DSU des communes de + de 10 000 habitants des trois premiers quarts, aux deux premiers tiers (soit de 751 à 667 communes) comme le prévoit l’article 150 ;
- répartir l’augmentation annuelle de la DSU sur les 667 communes éligibles et non pas seulement sur les 250 premières. Cette répartition pourra être affectée d’un coefficient multiplicateur pour tenir compte des écarts de ressources et de charge.
Les corrections proposées
En phase avec les recommandations faites par Villes de France, le groupe de parlementaires souligne que la dotation de centralité est à profondément remanier. Cette dotation est très critiquée en raison de l’absence de prise en compte des nouveaux périmètres intercommunaux pourtant déterminants dans sa répartition, et des effets de la prise en compte, dans la répartition, du poids démographique des communes dans l’EPCI porté à la puissance cinq, et de la « territorialisation » d’une partie de la dotation forfaitaire, considérée comme une ligne rouge par certains. Pour l’ensemble de ces raisons est proposé l’abandon de la territorialisation de la dotation de centralité, et de la " puissance cinq ".
Les principes d’une nouvelle dotation de centralité seraient les suivants :
- éligibilité à la dotation de centralité en fonction d’un seuil de population, permettant de calculer le montant de l’enveloppe.
- la dotation de centralité serait répartie en fonction de la population et pondérée par un coefficient logarithmique pour prendre en compte les charges des communes les plus peuplées, et majorée en fonction du poids démographique de la commune dans le département en considérant les charges spécifiques des communes centres qui offrent des équipements et des services aux communes alentours.
- s’y ajouterait une enveloppe indépendante correspondant à la part « bourg-centre » de la dotation de solidarité rurale (DSR), qui prend également en compte les charges de centralité mais en zone rurale.
Enfin, en ce qui concerne la dotation d’intercommunalité, il est mis en relief dans ce rapport intermédiaire, que l’article 150 de la LFI 2016 n’apparaitrait pas soutenable pour certains EPCI, notamment les plus urbains.
Certaines des garanties prévues peuvent vider le texte de sa substance. En conséquence est proposée une nouvelle refondation de la dotation d’intercommunalité.