ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°197 -

Monsieur Le Président, les Maires peuvent (vraiment) vous aider



Depuis deux semaines, le pouvoir se cherche des interlocuteurs et peine à en trouver. Les événements de ces derniers jours illustrent de manière spectaculaire et dramatique l’affaiblissement des fameux corps intermédiaires en France.
Il reste pourtant des acteurs - peut-être les seuls, peut-être les derniers – en mesure de saisir la colère qui anime nos concitoyens : ce sont les Maires des villes de France. Ces élus qui, d’une part, sont aux premières loges pour constater les raisons de la colère et, d’autre part, gardent une vraie légitimité auprès des Français. Parce qu’ils n’incarnent ni la technocratie, ni les apparatchiks des partis politiques, ni l’élite économique parisienne.

Je préside l’association Villes de France qui réunit ces villes « moyennes », éloignées des grandes agglomérations ; ces villes qui sont en réalité la France des gilets jaunes. Et j’écoute ce que me disent unanimement mes collègues Maires, quelle que soit leur étiquette politique : les gilets jaunes sont des femmes et des hommes au bord de la rupture. La fracture sociale, diagnostiquée en 1995 et jamais soignée, est devenue un gouffre. Un gouffre social et un gouffre territorial. Les Français savent bien – et ce n’est pas simplement une perception – que certains territoires ont davantage profité que d’autres des investissements publics et des dynamiques économiques. Les quelques centimes d’euros d’augmentation du carburant ont, en quelque sorte, été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase d’un grand sentiment d’injustice et d’une exaspération immense.

Chacun devrait garder en tête cette phrase : « Jusqu’ici tout va bien… ». C’était la métaphore du film culte La Haine, pour décrire une situation latente de désespérance où la tension monte progressivement jusqu’à une explosion fatale. On pensait que cela s’appliquait aux banlieues. On constate que cela concerne maintenant la France des régions, des périphéries, des campagnes.

Aujourd’hui, faire redescendre la pression est devenu une urgence vitale pour notre pays. Monsieur le Président, vous avez l’occasion d’agir en ce sens. Je vous le dis aujourd’hui solennellement : écoutez les Maires, mais écoutez-les vraiment. Il ne s’agit pas simplement de les recevoir mais de donner suite à leurs demandes.

Dans un premier temps, nous vous demandons d’annoncer des mesures immédiates en faveur de l’amélioration du pouvoir d’achat des Français ; et nous réclamons, dans la foulée, l’organisation d’un « Grenelle » du pouvoir d’achat et de la transition écologique, dans lequel les maires devront tenir un rôle central.
Ensuite, viendra le temps de la reconstruction démocratique et territoriale – la fracture entre le pays et une partie de ses élites est telle qu’elle appelle à revisiter très profondément la façon dont nous « fabriquons » nos représentants et dont nous prenons les décisions en France.

Ce temps viendra. En attendant, les Maires des Villes de France, quelles que soient leurs étiquettes politiques, ne souhaitent qu’une chose : contribuer à réconcilier la France et aider à sortir de cette crise.

Caroline Cayeux

 

 

n°197

05 Déc 2018

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