Dans le cadre des échanges réguliers avec le cabinet du ministère chargé des Comptes publics, les associations d’élus locaux ont été informées lundi dernier des grandes lignes de la réforme de la responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) des ordonnateurs et des comptables publics, prévue dans le prochain projet de loi de finances (article d’habilitation à légiférer par ordonnance), et dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2023.
Cette réforme doit permettre :
- de réserver l’office du juge aux cas d’une gravitée avérée, justifiant son intervention et l’existence d’un véritable régime répressif. Il ne s’agit pas de faire sanctionner par un juge le respect des règles formelles ;
- de confier aux managers publics la responsabilité de sanctionner les autres fautes ;
- de permettre aux acteurs de recentrer leurs contrôles sur les enjeux réels.
Ce chantier de réforme de la responsabilisation est intrinsèquement lié à la réforme de la gestion budgétaire et comptable : le régime actuel étant « désincitatif » pour les acteurs de la chaîne financière, qu’il rend « adverses » au risque, et focalise sur le respect des règles formelles, plus que l’efficience des processus financiers.
Par rapport au régime actuel, gestionnaires comme comptables publics deviennent même justiciables, devant répondre des infractions les plus graves, avec l’existence d’un préjudice financier significatif. Ceux-ci doivent répondre de fautes relatives à l’exécution des recettes et des dépenses, ou à la gestion des biens des entités publiques.
Dans le nouveau régime, le montant des amendes sera calculé en fonction de la rémunération de l’agent concerné et plafonné, avec la possibilité de recevoir une interdiction d’exercer les fonctions de comptable ou d’avoir la qualité d’ordonnateur pour une durée limitée.
L’architecture juridictionnelle serait la suivante :
- Première instance : chambre de la Cour des Comptes composée de magistrats de la Cour des Comptes et des CRC ;
- Cour d’appel financière : présidée par le Premier président, entouré de quatre magistrats de la Cour, quatre Conseillers d’Etat et deux personnalités qualifiées.
- Cassation : Conseil d’Etat.
Dans le nouveau régime proposé, au niveau procédure, une extension de la capacité de saisine sera réservée aux services d’inspection de l’Etat et aux présidents d’exécutifs locaux. Au niveau des délais, est maintenue la durée de prescription de 5 ans après la commission des faits.
Ce qui ne change pas
Le principe de la séparation ordonnateur / comptable est inchangé, cette séparation fonctionnelle garantissant la qualité de la gestion publique. Au niveau des processus métiers, cette réforme ne modifiera en rien les procédures de gestion des finances publiques et préservera toute leur place aux contrôles effectuées en matière de :
- paiement de la dépense publique (ex. respect des règles de la commande publique) ;
- recouvrement des recettes ;
- tenue de la comptabilité.
Ce qui change
- Concentration des contrôles sur les enjeux financiers les plus significatifs : le nouveau dispositif vise à sanctionner les fautes graves ayant un réel impact financier, et non les fautes purement formelles et procédurales. Il s’agit de cibler les opérations à forts enjeux financiers, mais aussi de sanctionner les carences graves et négligences dans l’exercice des contrôles de la chaîne financière.
- Création explicite de la faute de gestion, définie comme une carence grave et répétée, ayant entraîné un préjudice financier significatif.
- Instauration d’une peine complémentaire d’interdiction d’exercer les fonctions de comptable ou d’avoir la qualité d’ordonnateur qui traduira très concrètement la constatation des lacunes de gestion.
- Extension de la capacité de saisir la juridiction : services d’inspection, présidents de exécutifs locaux.