ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°95 -

Le Gouvernement en fait-il trop sur les métropoles ?


Deux événements de ce début juillet expriment désormais clairement la position de l’Etat en matière d’aménagement du territoire. D’une part un service rattaché au Premier ministre, France Stratégie, publie une note qui affirme sans détour le choix du soutien stratégique et financier aux métropoles au détriment des autres territoires (et y compris les territoires urbains), d’autre part un pacte qui lie de façon privilégiée l’Etat aux métropoles qui définit tous les autres territoires comme des « territoires péri-urbains ».
Dynamiques et inégalités territoriales : les enjeux à 2027
France Stratégie, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (ex Commissariat général du plan) dans sa note du 6 juillet 2016, définit à partir de quatre constats, les enjeux à horizon 2027.
1er constat : la France s’inscrit dans le mouvement mondial de métropolisation.
Une carte présente l’évolution entre 2008 et 2013 de la population active par aire urbaine de résidence, mettant en évidence le fait que la population active augmente dans les métropoles.
Les 15 aires urbaines les plus importantes (plus de 500 000 habitants) rassemblent 40% de la population et 55% de la masse salariale, la population active a crû nettement sur la période récente, les métropoles représentants 70% des créations nettes d’emplois entre 2007 et 2014.  Elles disposent d’une population plus diplômée et ont un monopole sur certaines activités de service à haute valeur ajoutée.
La densité de population entraîne néanmoins des effets négatifs, de congestion (transports, sécurité, prix de l’immobilier élevé…) et de ségrégation (salariale, sociale, prix plus élevés…).
2è constat : la désindustrialisation a amorcé une dynamique de divergence régionale.
Reprenant les constats connus de l’Insee, France Stratégie souligne que le Grand quart nord-est de la France subit un décrochage économique, d’autant que la dynamique démographique y est défavorable.
3è constat : les écarts d’opportunités individuelles persistent entre territoires.
France Stratégie indique que la probabilité de connaître une promotion sociale varie en fonction de son lieu de naissance. Ainsi, l’ascenseur social fonctionne mieux en Ile-de-France ou en Bretagne qu’en Picardie par exemple. Le facteur premier invoqué reposant sur l’accès à l’enseignement supérieur qui peut varier du simple au double dans les territoires.
4è constat : les objectifs des politiques territoriales sont mal définis et peu cohérents.
France Stratégie constate que le système de protection sociale français a bien eu des effets de réduction des inégalités entre territoires. Elle constate aussi que l’inégalité de revenu disponible est beaucoup moins marquée que l’inégalité du PIB par habitant.
« Par le jeu des transferts sociaux et de l’emploi public, la dépense publique joue un rôle de péréquation entre territoires, mais les politiques territoriales ne semblent pas répondre à des finalités claires ».
La note souligne ainsi que la politique territoriale manque de vision d’ensemble et que les dépenses en éducation et en formation sont insuffisantes pour résorber les écarts en matière de réussite scolaire et de chômage. Ainsi, les dépenses en formation professionnelle sont nettement inférieures dans les régions où le taux de chômage est le plus élevé.
Et demain ?
A l’horizon 2027, le phénomène de métropolisation devrait se poursuivre, avec son pendant qui est la fragilisation accrue des villes moyennes et des zones rurales, ces collectivités accueillant des secteurs économiques en perte de vitesse et devant faire face à la difficulté de maintenir l’accès aux services publics. France Stratégie signale ici les évolutions liées aux réformes territoriales et aux actions locales pour lutter contre le changement climatique. Le numérique est pointé comme une solution efficace pour diminuer les écarts entre territoires par exemple avec le développement du télétravail permettant une distance plus importante entre domicile et lieu de travail.

 


France Stratégie fait le choix paradoxal et contestable de recommander une concentration de l’investissement public dans les zones les plus productives, estimant, selon une intuition qui reste à démontrer, que le bénéfice reviendrait au final aux autres territoires également. La définition d’un panier de services publics devant au minimum être assurés, mais aussi la promotion de l’égalité des chances des individus doivent faire l’objet d’un approfondissement selon la note.
Un pacte Etat-métropole
Lors d’une communication en Conseil des ministres, le 6 juillet 2016, le Premier ministre a présenté le Pacte Etat-métropoles.
Signé avec la métropole de Lyon le même jour, mais ayant vocation à être signé avec chacune des quinze métropoles, ce pacte définit la stratégie nationale de développement de ces territoires.
Trois objectifs sont affichés :
- affronter la concurrence mondiale
- favoriser le rôle de locomotive de l’économie nationale et soutenir les territoires ruraux et péri-urbains
- répondre aux besoins de leur population.
Le pacte conforte un cadre et déploie des moyens pour renforcer la capacité d’action des métropoles et soutenir leurs stratégies d’innovation avec une enveloppe de 150M€ de financements avec principalement le Fonds de soutien à l’investissement public local.
Villes de France déplore le décalage entre le constat des difficultés pour les villes moyennes et petites, et les recommandations d’un investissement concentré dans quinze métropoles. Alors que le gouvernement vient de signer un pacte avec les métropoles, les villes et leurs agglomérations s’inquiètent de voir leur destin scellé ailleurs, remettant en cause le respect de la non-tutelle d’une collectivité sur une autre ainsi que l’assurance d’une répartition équitable des moyens financiers, afin que tous les territoires puissent assurer leur mission de service public et que les individus bénéficient d’une égalité des chances, quel que soit leur lieu de résidence.
Villes de France s’interroge aussi sur ce choix arbitraire de la métropole rappelant qu’un développement harmonieux du territoire passe par un maillage de villes petites et moyennes bien adossé à son tissu économique régional. L’absence de stratégie pour 60% de la population française (ceux qui vivent ailleurs que dans les métropoles), ne peut que laisser craindre un renforcement du sentiment d’abandon qui se traduit, on le sait parfaitement par des votes extrêmes lors des rendez-vous électoraux.

n°95

12 Juil 2016

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