ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°644 -

Favoritisme et procédure d'appel d'offres


Dans le cadre de son partenariat avec la Smacl, la FVM publie mensuellement un commentaire juridique issu de l’Observatoire des risques juridiques de la vie territoriale.
Appel d’offres engagé par erreur
Une ville ambitionne de devenir « la capitale du spectacle ». Un projet de partenariat avec une association est élaboré à cet effet. Il y est prévu l’acquisition par la ville de spectacles montés et organisés par l’association pour un montant total subventionné de 750 000 euros avec pour contrepartie financière la location de la salle multiculturelle pour un montant de 50 000 euros.
L’association publie un avant-programme de la saison s’inscrivant dans le projet, et dépose à l’INPI le nom de la commune « capitale du spectacle ». Alors que tout est déjà ficelé, une réunion de direction est organisée pour étudier la faisabilité juridique du projet.
La directrice générale des services (DGS) émet des doutes sur la légalité du montage et préconise une procédure d’appel d’offres. Le directeur de cabinet du maire estime pour sa part que l’opération ne nécessite pas la passation d’un marché public et que tout peut se réaliser via l’attribution classique de subventions à l’association.
Deux candidats au marché
La DGS arrive finalement à obtenir une procédure formalisée et doit prévoir que le délai de remise des offres soit repoussé d’une semaine pour permettre une meilleure mise en concurrence, les candidats ayant ainsi trois semaines pour répondre. Deux associations se portent candidates. Sans surprise celle avec laquelle le projet a été monté obtient le marché.

 

Sept conseillers municipaux dénoncent au procureur de la République un délit de favoritisme.
Pour sa défense le maire soutient que le projet initial monté par la commune était parfaitement légal et qu’il n’était pas tenu de procéder à un appel d’offres. Ainsi, poursuit-il, dès lors qu’il s’est de lui même soumis à la procédure d’appel d’offres, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir respecté les règles requises par le code des marchés publics.
L’argument est écarté par le tribunal correctionnel, ce que confirme la Cour d’appel de Montpellier. En effet le juge pénal doit se prononcer sur la régularité du marché au regard de la procédure d’appel d’offres engagée, quand bien même celle-ci n’était pas obligatoire.
Un habillage juridique
Or il est manifeste, selon la cour, que le marché litigieux avait simplement pour objet d’habiller juridiquement les engagements déjà pris par le maire avec l’association et que la procédure avait été montée dans l’urgence compte tenu de l’ouverture de la saison au troisième trimestre.
Ainsi les prix avaient déjà été négociés par le maire avant le lancement de la procédure et le cahier des clauses techniques particulières avait été calqué sur le projet de partenariat initié avec l’association. Un membre de la commission d’appel d’offres (CAO) a par ailleurs déclaré aux enquêteurs qu’il n’y avait pas eu de vote formel pour l’attribution du marché alors que les notes des offres des deux associations candidates étaient très proches (0,05 points) l’une de l’autre.
La Cour d’appel relève à cet égard que la procédure de désignation du candidat par le maire, même si elle était permise par la délégation consentie à l’élu, a privé le conseil municipal d’un débat sur la régularité, la transparence et la loyauté des marchés publics.
Quant à l’élément intentionnel de l’infraction, les compétences et de l’expérience administrative et politique du prévenu excluent qu’il ait pu ignorer les règles des marchés publics auxquelles il avait d’ailleurs, dans un premier temps, tenté d’échapper... Peu importe par ailleurs que l’élu n’ait pas recherché ou retiré un intérêt personnel de l’opération, seul comptant l’avantage injustifié procuré à l’association retenue.
Et la Cour d’appel de conclure : « c’est ainsi que face à cette relativité d’impératifs dictés directement par le maire dans le cadre de précédentes discussions visant à aboutir à un projet de partenariat, il apparaît que la mise en forme procédurale n’est qu’une réponse, apparemment adéquate, à une situation peut-être mal appréciée au regard des contingences du code général des collectivités territoriales et du code des marchés publics, mais bien réelle dans son montage consistant à mettre en œuvre un processus d’éligibilité financière au profit d’une association avec laquelle des liens étroits étaient entretenus ».
En répression l’élu est condamné à 3 mois d’emprisonnement avec sursis et 4000 euros d’amende.
Ce qu'il faut en retenir
- La procédure d’appel d’offres est la procédure de droit commun pour l’attribution des marchés publics. Il en résulte que dès lors qu’un acheteur public décide d’initier une telle procédure, il doit la respecter intégralement, y compris s’il n’était pas tenu au départ de s’y soumettre.
- Le délit de favoritisme, passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, est caractérisé sans qu’il soit nécessaire de prouver que l’élu a retiré ou recherché un profit personnel dans l’opération. Il suffit que le candidat retenu ait été avantagé par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public.
Cour d’appel de Montpellier, 22 novembre 2012, N° 1718

Retrouvez cette jurisprudence et d’autres textes réglementaires sur www.observatoire-collectivites.org
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n°644

03 Avril 2013

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