ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°644 -

Rapport Lambert - Boulard : pour un choc de compétitivité juridique en matière de normes


Alain Lambert, président du Conseil général de l'Orne et président de la Commission nationale d’évaluation des normes (CCEN), et Jean-Claude Boulard, maire du Mans et président de la CU Le Mans Métropole, ont remis la semaine dernière au Premier ministre un rapport de mission très attendu sur « la lutte contre l'inflation normative », qui est devenu un véritable cancer pour notre démocratie.
Paradoxalement, cette inflation normative est finalement une maladie ancienne, déjà au centre des préoccupations de Montesquieu au 18ème siècle, qui soulignait que « les lois inutiles affaiblissent les lois essentielles ». Parmi les constats sur cette maladie insidieuse qui touche au quotidien les collectivités locales, près de 400 000 normes. En quelques années, leur nombre a proliféré, rendant les procédures à la fois plus complexes et plus chères.
D’après Alain Lambert, sur les 50 milliards d'euros par an que consacrent les collectivités à leurs investissements, il existerait, en fait 10 à 20 % de surcoûts liés aux normes.
En cette période de difficultés budgétaires, une partie de cette somme pourrait être mieux utilisée, aussi les deux rapporteurs prônent-ils un véritable « choc de compétitivité juridique ».
Pour diminuer le stock des normes existantes et limiter l'afflux de nouvelles règles, les deux rapporteurs estiment nécessaire de diffuser à tous les ministères une instruction sur " L'interprétation Facilitatrice des Normes ". Ils proposent de désigner les préfets de département comme échelon de référence pour leur interprétation, avec à leur côté une instance de débat contradictoire sur l'interprétation des normes. Pour aller plus vite, la mission Lambert – Boulard suggère aussi de recourir à la procédure des ordonnances pour revisiter les lois et propose que la Commission Consultative d'Évolution des Normes (CCEN) soit compétente pour examiner également le stock des normes.
Environnement et urbanisme mis à l’index
Parmi les « centres de coûts », Alain Lambert et Jean-Claude Boulard pointent du doigt dans leur rapport la loi sur l'accessibilité de l'espace public, les normes des fédérations sportives et la législation sur le traitement des déchets. Au titre «  des foyers de blocage ou de lenteur », ils mentionnent la législation sur l'urbanisme et certaines dispositions de la loi Grenelle 2.
La mission préconise ainsi une nouvelle procédure d'appel sur l'avis conforme de l'Architecte des Bâtiments de France, et suggère de « neutraliser un foyer d'interprétation rigide – et tout puissant - des normes en transférant la compétence d'interprétation des DREAL vers les DDT ».
Parmi les mesures d’adaptation ou d’allègement citées dans ce rapport, il faut mentionner les normes d'encadrement pour les animations extra scolaires, les procédures en matière de fouilles, les normes d'encadrement dans les crèches, ou encore les règles d'accessibilité dans la construction de logements neufs (les logements étudiants devant par exemple être 100% accessibles…). Dans ce rapport, il y a aussi des pistes d’abrogation évoquées, comme les normes relatives à la composition des menus dans les cantines scolaires, les normes sismiques, là où la terre ne tremble pas. Des mesures de bon sens sont également proposées comme la mise en ordre des schémas et des zonages : il est nécessaire de mieux intégrer les schémas, et d’en réduire le nombre…
Mieux gérer le flux
Pour mieux raisonner la production normative les deux rapporteurs estiment qu’il est temps de savoir qui prescrit et qui paye (étendre le principe du « normeur-payeur »). À cette fin, ils proposent d’obliger le créateur d’une norme à identifier ses impacts financiers, et souhaitent un véritable moratoire au niveau des Fédérations sportives.
La mission propose aussi d'en finir avec les textes législatifs qui interfèrent dans le domaine normalement réservé au pouvoir réglementaire, puisqu’il faut un temps précieux pour modifier les dispositions, tant le calendrier parlementaire est chargé.
Parmi les mesures diverses mais qui méritent d’être citées pour leur intérêt, figurent enfin l’instauration d’un « rescrit normes » pour les collectivités locales, la création d’un médiateur de la norme entre l'État et les collectivités locales, ou encore la mise en place d’objectifs de révision du corpus juridique. Un chantier qui ne fait que commencer !

n°644

03 Avril 2013

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