ONDES
URBAINES

Ondes moyennes n°670 -

Les universités sont dans le rouge


L’annonce de déficits faite par des universités de plus en plus nombreuses suscite de vives inquiétudes sur l’état de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Les motions votées par les conseils d’universités contre les restrictions budgétaires se multiplient, de même que les gels de postes, le non-renouvellement de CDD et la diminution de l’offre de formations pour tenter de rééquilibrer des budgets. Peine perdue ? Force est de constater qu’il y a un sous-financement global de l’enseignement supérieur et de la recherche (dont le budget est de 26 milliards d’euros, derrière le remboursement de la dette, l’enseignement scolaire et la défense)et il y a aussi une mauvaise répartition des dotations de l’État. Sans compter les effets du passage à l’autonomie (cf. loi LRU du 10 août 2007) et aux responsabilités et compétences élargies, en particulier le transfert de la masse salariale qui s’est opéré dans des délais très courts, sans accompagnement des universités dans leurs nouvelles missions de gestion. De plus le glissement vieillesse technicité (c’est-à-dire l’évolution des salaires) n’a pas été pris en compte dans le transfert aux universités…
70% des universités confrontées à l’insuffisance de leurs moyens
Ondes Moyennes(lire le n°667 – Campus de proximité : simples variables d’ajustement du budget des universités ?) s’était fait l’écho de la situation financière critique de l’université de Montpellier III dont la présidente a annoncé très médiatiquement la fermeture de l’antenne de Béziers à la rentrée 2014. Cette situation n’a rien d’un cas isolé. Avec plus de 40.000 étudiants et 27 implantations, la prestigieuse université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne a elle aussi vécu d’importantes tensions au début de l’été 2013, avec l’adoption d’un plan d’économies fondé sur la réduction de l’offre de formations. Paris 1 accuse sa troisième année successive de déficit budgétaire. L’université Évry Val-d’Essonne est confrontée à un déficit de plus d’un million d’euros tout comme l’université de Valenciennes et du Hainaut cambrésis (environ 900.000 euros de déficit). L’université du littoral Côte d’Opale (ULCO) est confrontée à un déficit de 707.000 euros qu’elle prévoit de combler en fermant des formations, en gelant des postes, en faisant des économies sur l’ensemble des dépenses de fonctionnement. L’université Paris-sud se débat avec un déficit de deux ou trois millions d’euros…
On estime que 15 universités sur 76 sont en déficit cette année (dont 3 sont dans une situation critique) et que 38 autres ont un fonds de roulement inférieur au seuil de sécurité. Les présidents d’université annonce le gel de 400 postes (soit 40% des 1.000 postes promis annuellement par le Gouvernement sur la durée du quinquennat), la suppression d’heures de cours, le non-remplacement des départs à la retraite… La situation est tellement critique que les présidents d’université ont décidé de tirer la sonnette d’alarme.
L’insuffisance des moyens des universités
À ce jour près de 15 universités ont adopté, lors de leur conseil d’administration, des motions ou des résolutions dénonçant l’insuffisance des moyens dont disposent les universités pour l’accomplissement de leurs missions de service public. Le 24 octobre dernier, la Conférence des présidents d’université (CPU) a décidé de voter une motion relative aux moyens des universités afin d’alerter les Pouvoirs publics et l’opinion sur leur situation financière critique. « Nos universités ne peuvent pas, dans les conditions actuelles, jouer pleinement le rôle que les Français attendent d’elles et faire leurs les objectifs annoncés par le président de la République visant à faire de la jeunesse, de l’éducation et de la société de la connaissance une grande priorité nationale ! »
La situation financière des universités s’aggrave inexorablement. Ce qui, affirment les présidents d’université, est « la conséquence de l’absence de compensation par l’État de l’augmentation mécanique de la masse salariale des fonctionnaires […]. Par ailleurs, les nouvelles missions confiées aux universités et les nouveaux objectifs qui leur sont fixés sont de plus en plus nombreux, alors même que certaines sources de financement qui correspondent pourtant à ces missions leur sont difficilement accessibles ». Les efforts consentis par les universités ces dernières années leurs ont permis de réaliser des économies qui, aujourd’hui, « atteignent leurs limites ». La situation à laquelle sont confrontés les universités sera bientôt intenable alerte la CPU qui prévient « À court terme, l’ensemble des universités françaises risque de ne plus pouvoir assurer les missions de service public que l’Etat leur a assignées ».
La masse salariale annuelle correspondant aux 1.000 postes qui seront attribués chaque année à l’enseignement supérieur au cours du quinquennat pour converger vers les standards internationaux, « compensera à peine, en 2013, l’augmentation mécanique des coûts de la masse salariale existante des universités » soulignent les présidents d’université avant d’ajouter « nous ne pouvons accepter que cette pression continue sur la situation financière des universités se traduise par une dégradation des conditions d’étude de nos étudiants, en particulier des plus fragiles d’entre eux ».
La CPU réaffirme la nécessité d’une loi cadre de programmation et formule six demandes urgentes, telles que l’application de la règle du « décideur-payeur ». L’État doit sécuriser les masses salariales des universités et compenser les transferts de charges (ex : GVT, mesures catégorielles et sociales, compensation des droits d’inscription des étudiants boursiers à l’euro près). Sans compensation, ce sont les universités qui accueillent le plus de boursiers qui sont les plus appauvries dans la mesure où les boursiers sont exonérés de droits d’inscription. La CPU a récemment adressé sur cette question un courrier à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui s’est saisie du dossier. Selon le journal Les Echos, Geneviève Fioraso aurait demandé aux services de son ministère d’expertiser différents scénarii pour mettre en œuvre une compensation réelle (soit quelque 100 millions d’euros). Reste la question de savoir où trouver cet argent… Le ministère souhaiterait, selon le quotidien économique, que la compensation se fasse à moyens constants. Autrement dit les universités ayant le moins de boursiers devraient compenser les autres.… Sachant que les deux tiers des universités ont plus de boursiers que la moyenne, la facture risque d’être salée pour le tiers restant.

 

D’autres solutions seraient à l’étude comme un lissage sur plusieurs années ou encore la compensation des seuls nouveaux boursiers.
Autre demande de la CPU dans sa motion du 24 octobre, le financement intégral des objectifs et des missions nouvelles assignés aux universités par la loi du 22 juillet 2013. En effet, l’objectif partagé de faire passer 50% d’une classe d’âge au niveau Licence (qui correspond à une augmentation de 20% des effectifs universitaires en licence) ne peut être atteint à budget constant. Même remarque s’agissant du doublement du nombre d’apprentis dans le supérieur, qui nécessite pour les présidents d’université une profonde modification des mécanismes de collecte de la taxe professionnelle.
Dans le domaine de la recherche et de l’innovation — indispensables pour soutenir la compétitivité de la France à long terme — la production de connaissances et d’innovations nécessiterait que soit porté à 3% du PIB l’effort de la Nation pour la recherche. La CPU demande également que le coût des infrastructures soit mieux pris en compte dans les contrats avec les acteurs économiques.
Les conditions d'études se dégradent pour les étudiants
La démocratisation de l’enseignement supérieur public, la relance d’une politique de recherche ambitieuse, l’amélioration des conditions de travail et de réussite des étudiants, nécessitent des investissements budgétaires importants. Or, le budget 2014 (cf. projet de loi de finances pour 2014 en cours de discussion) de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) devrait augmenter de 0,44% par rapport à 2013 (hors prise en compte de l’inflation…). Et ce budget ne prévoit toujours pas le financement du glissement vieillesse technicité, qui augmente mécaniquement chaque année le coût de la masse salariale des universités. Les conséquences financières sont graves : les universités vont devoir réaliser des économies encore plus drastiques. À quel prix ? Au détriment de la qualité des cours et de la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur ?
En conséquence, les conditions d'études se dégradent pour les étudiants : des heures d'enseignements mutualisées ou supprimées ; des capacités d'accueil limitées ouvrant la voie à une sélection injuste ; des formations qui ne sont plus proposées, quand ce ne sont pas des sites entiers qui vont être fermés !

n°670

06 Nov 2013

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