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URBAINES

Ondes moyennes n°691 -

Insertion professionnelle : les fortes disparités entre niveaux de diplômes s'accentuent


En 2013, trois ans après leur sortie du système éducatif, 22% des jeunes actifs sont en recherche d’emploi. Il s’agit du niveau le plus haut jamais observé dans les enquêtes d’insertion du Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications). La hausse, par rapport à la génération 2004, est de 16 points pour les non-diplômés et de 3 points pour les diplômés du supérieur long. Toutefois, les premiers emplois ne sont ni plus précaires, ni moins rémunérateurs.
Le Céreq vient de publier la sixième édition de ses enquêtes d’insertion, s’intéressant aux 700.000 jeunes sortis en 2010 du système scolaire. Cette génération 2010 se présente sur le marché du travail avec un niveau d’études sensiblement plus élevé que la génération 2004. Une élévation du niveau de formation qui concerne avant tout les niveaux supérieurs. Malgré les objectifs fixés au niveau européen, le nombre de jeunes sortis du système éducatif sans diplôme s’élève encore à 16% (contre 18% pour la Génération 2004).
Au sein du système d’enseignement supérieur, la mise en place progressive du LMD entre 2003 et 2006 incite les étudiants à prolonger leurs études jusqu’aux niveaux licence (L3), master (M2) ou doctorat (D), réduisant les sorties aux niveaux bac+2 et bac+4. Au final, la part des jeunes sortant au niveau master ou au-delà est de 17% (contre 14% pour la Génération 2004). L’effectif total des diplômés de l’enseignement supérieur est quant à lui resté identique.
Insertion plus difficile
La génération 2010 aborde un marché du travail qui se détériore lourdement sur la période 2011-2013. Ce constat général masque en réalité des évolutions disparates entre les jeunes selon le niveau de diplôme. À la forte dégradation de l’insertion des non-diplômés (41% sont en emploi, soit une baisse de 16 points par rapport à 2004), s’ajoute celle des CAP-BEP. À l’autre extrémité, même s’ils ne sont pas épargnés, les diplômés du supérieur long accentuent leur avantage en matière d’accès à l’emploi et de conditions d’emploi.
« À la détérioration de la conjoncture économique s’ajoute la faiblesse de l’intervention publique traduite par la diminution des contrats aidés. La montée en charge des emplois d’avenir créés fin 2012 ne s’opère vraiment qu’au cours de l’année 2013 » précise le Céreq.
Malgré l’ampleur de la dégradation, la majorité des jeunes continue d’accéder rapidement à l’emploi, 62% en moins de trois mois. Près de deux jeunes sur cinq passent même plus de 90% de leur temps en emploi sur les trois premières années de vie active.
Un tiers des jeunes ayant obtenu un emploi est directement recruté en emploi à durée indéterminée (EDI). Au bout de trois ans, ils sont deux tiers dans ce cas, soit un taux équivalent à celui de la Génération 2004. Cette stabilité masque une légère hausse du statut non-salarié, en lien probable avec la mise en place du régime d’auto-entrepreneur mi-2008.
La part des emplois à durée indéterminée (CDI, fonctionnaires et non-salariés) et du temps partiel contraint sont globalement stables entre les générations 2004 et 2010. En revanche, l’effet crise impacte sensiblement la progression des salaires.
Accroissement des disparités d’insertion
Plus le niveau de formation augmente, plus le risque de chômage diminue. Les fortes disparités d’insertion entre niveaux de diplôme, déjà constatées dans les enquêtes précédentes, se trouvent encore accentuées pour la génération 2010.
Au bas de l’échelle, les jeunes sans diplôme ou faiblement diplômés ont vu leurs conditions d’insertion se dégrader lourdement. À l’autre extrémité, les diplômés d’école d’ingénieur, des formations médico-sociales supérieures et les docteurs ont bien résisté.

 

Les non-diplômés sont en première ligne face aux dégâts causés par la crise. Leur taux de chômage atteint un niveau record de 48%. En moyenne, ils ont passé autant de temps au chômage qu’en emploi. Face à ces difficultés d’insertion, 9% d’entre eux sont retournés en études à temps plein et 13% ont tenté la voie de l’alternance.
Les titulaires de CAP et BEP demeurent moins mal lotis que les non-diplômés. Mais leurs difficultés s’aggravent : leur taux de chômage atteint 32%, soit une augmentation de 15 points par rapport à la génération 2004. Se maintenir en emploi devient plus difficile et seuls 29% d’entre eux ont passé presque tout leur temps en emploi sur la période. De plus, ces jeunes voient leur pouvoir d’achat stagner au cours de leurs trois premières années de vie active. L’insertion des jeunes titulaires de CAP-BEP des spécialités industrielles se détériore avec un taux de chômage désormais équivalent à celui de leurs homologues des spécialités relevant des services. La concurrence avec les baccalauréats professionnels explique probablement une part de ces constats.
L’apprentissage gagne du terrain
Le développement de l’apprentissage caractérise la génération 2010. Favorisée depuis plusieurs années par les pouvoirs publics, cette voie de formation séduit de plus en plus de jeunes, à différents niveaux d’éducation. En 2010, un jeune sortant sur cinq est issu d’une formation par apprentissage ; seul un sur trois est une femme. Cette modalité de formation historiquement dédiée à l’enseignement secondaire s’est étendue aux études supérieures, courtes ou longues. Ainsi, la part d’apprentis parmi les diplômés de l’enseignement supérieur a presque doublé par rapport à la Génération 2004. Les titulaires de licence professionnelle et de BTS-DUT restent les plus concernés mais sont désormais talonnés par les diplômés des grandes écoles.
Zoom sur les diplômés du supérieur
Les sortants de l’enseignement supérieur court, BTS ou DUT, conservent des conditions d’accès à l’emploi favorables (70% d’entre eux trouvent leur premier emploi en moins de trois mois), mais leur situation à trois ans est plus difficile que celle de leurs prédécesseurs. Trois ans après leur sortie du système éducatif, la part des emplois en EDI est stable. La dégradation est importante pour les spécialités tertiaires avec un taux de chômage qui atteint 16%. Les jeunes sortis du supérieur court en 2010 sont de plus en plus nombreux à se diriger vers l’alternance après leur formation initiale.
Les diplômés de licence professionnelle paraissent relativement préservés ; 85% d’entre eux sont en emploi en fin de période avec un taux de chômage de 10%. Mais seuls les diplômés de licence professionnelle par apprentissage conservent un taux de chômage faible.
Les titulaires de licence générale restent les plus pénalisés. En fin de période, par rapport à leurs ainés de 2004, leur taux d’emploi chute de 11 points et ils perdent du pouvoir d’achat.
Les diplômés de l’enseignement supérieur en santé-social(bac+2, bac+3 et docteurs) bénéficient d’un marché du travail assez réglementé. Nettement préservés du chômage, ils trouvent quasiment tous un emploi dès leur sortie de formation.
Pour les diplômés de l’enseignement supérieur long (bac+5 et plus), la détérioration est limitée. 76% d’entre eux accèdent à un premier emploi en moins de trois mois. Ils bénéficient de meilleures rémunérations à l’embauche, leur pouvoir d’achat progresse durant les trois premières années, mais dans une moindre mesure que leurs aînés. Les diplômés M2 subissent davantage les effets de la conjoncture. Leur taux de chômage à trois ans double entre les deux enquêtes, pour atteindre 12 %, niveau identique à celui des diplômés de l’enseignement supérieur court. Les diplômés en Lettres Sciences Humaines, Gestion, Droit sont les plus impactés.
À l’inverse, les ingénieurs et les docteurs (D), quelle que soit leur discipline, sont protégés de la dégradation économique et bénéficient toujours de conditions d’insertion favorables (taux d’emploi respectif de 94% et 92%). Seul point d’ombre pour les docteurs, la part d’emplois à durée déterminée a encore augmenté.
Dans un contexte conjoncturel dégradé, l’enquête génération 2010 du Céreq confirme que la transition de l’école à l’emploi s’avère bien plus difficile. Elle révèle surtout que les écarts entre les niveaux de diplôme se creusent. Il reste qu’une partie des jeunes de cette génération, pour la majorité sans diplôme, n’ont pas franchi en trois ans la barrière de l’emploi, avec un risque d’exclusion sociale accru.

n°691

16 Avril 2014

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