ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°31 -

L'indispensable modernisation du CROUS


L’amélioration des conditions de vie étudiante est une priorité budgétaire au même titre que l’enseignement et la recherche, avec l’objectif de garantir à tous les étudiants un égal accès aux études supérieures et une même chance de réussite dans la filière de leur choix. La politique en faveur de la vie étudiante peut revêtir de multiples aspects : aides financières, logement, restauration, transports, santé, animation des campus, action culturelle ou encore accueil des étudiants étrangers. Parmi les nombreux acteurs qui interviennent dans ce domaine, la Cour des comptes, dans le cadre de son rapport public annuel 2015, a centré son enquête sur l’opérateur historique qu’est le réseau des œuvres universitaires et scolaires.
Depuis la loi du 16 avril 1955,l’action de l’État en faveur de la vie étudiante est principalement portée par le centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et les 28 centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), établissements publics nationaux placés sous la tutelle du ministère chargé de l’Enseignement supérieur. Les CROUS interviennent dans l’attribution des bourses, gèrent les restaurants et les résidences universitaires et conduisent des actions dans le domaine de l’aide sociale et de la culture. Leur budget consolidé s’élève à 1,33 Md€ en 2013. Subventionnés par l’État à hauteur de 478,30 M€, ils disposent aussi d’importantes ressources propres (739 M€) et emploient 11.936 agents.
Les difficultés rencontrées par le réseau, malgré l’effort financier croissant de l’État, ont conduit la Cour des comptes à contrôler le CNOUS et les CROUS de Bordeaux, Créteil, Rennes et Dijon, en complétant cette enquête par un questionnaire transmis aux 24 autres établissements.
Les bourses sur critères sociaux : un contrôle d’assiduité à renforcer
L’obligation d’assiduité, qui est la contrepartie des bourses, est inscrite dans le décret du 16 avril 1951 relatif au paiement des bourses d'enseignement supérieur. Les bourses sur critères sociaux représentent 1,78 Md € pour l’Etat versés à 635.000 étudiants. En 2013, les boursiers sur critères sociaux représentaient 26,5% de l’ensemble des étudiants, contre 21,5% en 2008.
Les CROUS sont identifiés par les étudiants comme leurs interlocuteurs de référence, mais ne sont qu’un des multiples acteurs de cette procédure, qui fait intervenir principalement les établissements d’enseignement supérieur. La Cour constate que la définition de l’assiduité est variable, avec des pratiques particulièrement hétérogènes dans les universités. De nombreuses universités ne contrôlent que la présence aux examens, et la définition même de la présence aux examens est fluctuante. Cette situation introduit une inégalité de traitement entre les boursiers, déplore la Cour des comptes qui proposent plusieurs pistes de réforme : s’assurer que toutes les universités instituent un contrôle de présence aux cours, travaux dirigés et travaux pratiques, ou réformer la définition même du contrôle d’assiduité, en le limitant à la présence aux examens ou en le remplaçant par un contrôle minimal des résultats.
Suite aux observations de la Cour des comptes, la secrétaire d'État chargée de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a tenu à préciser qu’en plus des règles applicables (contrôle de l'assiduité aux examens et aux cours, mais aussi aux travaux dirigés, travaux pratiques et stages obligatoires), la circulaire adressée aux Recteurs le 21 juillet 2014 a introduit un contrôle de l'inscription pédagogique des étudiants au début du premier semestre. Désormais, a souligné Geneviève Fioraso, «tout étudiant n'ayant pas procédé à son inscription pédagogique au plus tard avant la fin du premier semestre de l'année universitaire voit le paiement de sa bourse immédiatement suspendu».
Une offre de logement étudiant insuffisante et mal répartie
Le parc immobilier du réseau comprend 162.547 places. Depuis les années 1960, on constate un décalage progressif entre l’offre de logements proposée par les CROUS et l’évolution de la population étudiante, qui a été multipliée par huit. Pour remédier à la pénurie de logements et à la vétusté de certaines résidences, un plan gouvernemental présenté en 2004 a fixé deux objectifs aux CROUS : construire 5.000 logements neufs par an et réhabiliter 7.000 places par an pendant dix ans. En 2012, un nouveau plan gouvernemental a fixé un objectif de création de 8.000 places par an, soit 40.000 logements étudiants sur cinq ans, pour l’ensemble des opérateurs conventionnés.

 

L’évolution du parc n’a pas suivi le rythme annoncé, constate la Cour : entre 2004 et 2013, seules 26.400 places ont été créées, même si la construction et la réhabilitation de logements se sont accélérées depuis 2007.
Il existe, en outre, de très fortes inégalités territoriales entre des académies où l’offre de logements est suffisante, et des académies très déficitaires comme celles de Paris, Créteil, Lyon et Lille. Les plans d’investissement successifs n’ont pas permis de corriger ces inégalités : en 2013, le CROUS de Paris avait une offre de logement proche de celle du CROUS de Rouen, qui accueille six fois moins d’étudiants.
Enfin, la Cour des comptes souligne que les difficultés des CROUS à équilibrer la gestion de leurs résidences. L’année universitaire s’est raccourcie, et les CROUS font face à une baisse des taux d’occupation sur certains sites. Depuis quelques années, les stages et les séjours à l’étranger se développent, et les étudiants sont de plus en plus mobiles en cours d’année. Par ailleurs, chaque contrôle de la Cour a conduit à identifier plusieurs résidences lourdement déficitaires, notamment dans les villes moyennes.
La restauration universitaire : un déficit croissant
La restauration universitaire est la principale cause des difficultés financières que rencontrent les CROUS, car la fréquentation étudiante est en baisse régulière. Ainsi, le nombre d’équivalents-repas étudiants servis est passé de 52,9 M€ en 2008-2009 à 45,9 M€ en 2013-2014. Les principales raisons tiennent à une préférence croissante pour la restauration rapide, mais aussi à la modification des rythmes universitaires. Avec la mise en place du système licence-master-doctorat (LMD) et la semestrialisation des études, les CROUS réalisent 70% de leur chiffre d’affaires entre septembre et février, tout en employant des personnels à temps plein.
Pour relancer la fréquentation, les CROUS cherchent à diversifier leurs prestations et à capter de nouveaux publics en développant des cafétérias, la distribution automatique et les activités de traiteur, qui les placent dans le champ de la concurrence privée. En dépit des efforts déployés pour reconquérir le public étudiant, la Cour souligne que certains restaurants traditionnels restent surdimensionnés et qu’ils ne peuvent pas tous être réaménagés. Face à une activité de plus en plus cyclique, le cadre d’emploi des personnels ouvriers est enfin trop rigide, ce qui conduit les CROUS à développer des emplois précaires. Le nombre d’agents en contrats à durée déterminée est ainsi passé de 1.239 ETP en 2008 à 1.482 ETP en 2013.
Une réorganisation nécessaire
« Les inégalités d’accès à un logement CROUS pour les étudiants les plus défavorisés se sont accrues et le cadre de la restauration universitaire paraît obsolète » déplore la Cour des comptes. Les besoins des étudiants et le monde universitaire ont évolué, tandis que l’organisation et les modes de gestion du réseau sont restés inchangés. Selon la Cour, à long terme, seule une meilleure implication des établissements d’enseignement supérieur et de leurs groupements peut conduire à l’élaboration d’une conception globale des services rendus aux étudiants sur un même territoire. Le déficit de la restauration et l’équilibre fragile de l’hébergement nécessitent toutefois des réformes structurelles à court terme.
Sur la base de ses constatations, la Cour des comptesformule les recommandations suivantes :
- Réformer la définition et la mise en œuvre du contrôle d’assiduité des étudiants boursiers.
- Concentrer les nouvelles constructions de résidences universitaires sur les zones déficitaires.
- Revoir les relations contractuelles avec les bailleurs sociaux pour assurer l’entretien du patrimoine.
- Fermer les installations d’hébergement et de restauration trop peu fréquentées.
- Assouplir le cadre de gestion des personnels ouvriers.
- Fusionner les CROUS d’Île-de-France.

Consulter le chapitre du rapport public annuel 2015 de la Cour des comptes consacré au réseau des œuvres universitaires et scolaires

n°31

04 Mars 2015

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Président : Gil Avérous

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