Dans une décision rendue en toute fin d’année dernière (Décision n° 2022-847 DC du 29 décembre 2022), la loi de finances pour 2023 a été déclarée en grande partie conforme à la Constitution (non-conformité partielle pour sept articles) par les membres du Conseil Constitutionnel. Rappelons qu’en en première lecture et en nouvelle lecture, le Gouvernement a engagé à plusieurs reprises sa responsabilité, conformément à l'article 49-3 de la Constitution, sur la partie "recettes", puis sur la partie "dépenses" et sur l’ensemble du projet de loi de finances.
Au niveau de la procédure d'adoption de la loi et de l’utilisation du 49-3, le Conseil constitutionnel a jugé qu'« aucune exigence constitutionnelle n’a été méconnue lors de la mise en œuvre de la procédure », la responsabilité du Gouvernement pouvant être engagée sur tout ou partie du PLF. Il écarte également les critiques d'insincérité des hypothèses macroéconomiques du Gouvernement que formulaient les parlementaires requérants.
Des prévisions marquées par le contexte international
La crise énergétique et l'inflation, en partie liées à la guerre en Ukraine, marquent cette loi de finances initiale (LFI) pour 2023. Le Gouvernement table ainsi sur une prévision de croissance de 1% et sur une inflation de 4,2% en 2023. Le principal aléa de ce scénario résultant du contexte international et de ses conséquences sur l'activité des prix de gros de l'énergie.
En 2022 comme en 2023, le déficit public se stabiliserait à 5% du PIB. Le déficit de l'État atteindrait 165 milliards d’euros en 2023 (+7 milliards par rapport au texte initial). Le poids de la dette publique baisserait néanmoins de 111,6% du PIB en 2022 à 111,2% en 2023.
Les dispositifs d’aide face au choc énergétique
Le budget 2023 poursuit ou instaure plusieurs dispositifs afin d’aider les ménages, les entreprises et les collectivités locales à régler leurs dépenses énergétiques.
- Les ménages vont continuer à bénéficier en 2023 du bouclier tarifaire énergétique (art. 181 LFI pour 2023). La hausse des tarifs de gaz et d'électricité est limitée à 15% (contre 4% en 2022). Sans ce bouclier, la hausse aurait dépassé les 100%. Les très petites entreprises (TPE), les plus petites communes et les structures d'habitat collectif (EHPAD, résidence autonomie...) sont également éligibles au bouclier tarifaire. Le coût net des boucliers tarifaires est estimé à 21 milliards d’euros (contre 15 milliards dans le PLF initial).
- Une indemnité carburant pour les travailleurs prend la place en 2023, de la remise à la pompe qui s’est achevée le 31 décembre 2022. Cette indemnité de 100 euros sera versée en une seule fois aux dix millions de Français aux revenus modestes qui utilisent leur voiture ou leur moto pour se rendre au travail. Un milliard d'euros est budgété pour ce dispositif.
- Pour soutenir l’économie, toutes les entreprises continuent d’être aidées (guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz….).
Pour protéger les collectivités locales, le filet de sécurité de 2022 est reconduit et élargi. Il représente un coût de deux milliards d’euros et devrait concerner entre 21 000 à 28 000 collectivités, dont la situation financière s’est dégradée du fait de la hausse des prix énergétiques.
Un amortisseur électricité a, en outre, été créé par un amendement du Gouvernement à destination de toutes les petites et moyennes entreprises (PME), des associations, des collectivités et des établissements publics non-éligibles
au bouclier tarifaire. Cet amortisseur doit permettre de prendre en charge environ 20% de leurs factures totales d’électricité. Il est applicable au 1er janvier 2023 pour un an.
Mesures pour l'emploi et les entreprises
Pour atteindre un million d'entrées en alternance d'ici 2027, France compétences, qui finance l’apprentissage, bénéficie d'un financement exceptionnel de deux milliards d’euros. De nouveaux crédits sont ouverts pour assurer le maintien en emploi des salariés. Ce budget doit permettre également de démarrer des actions pour accompagner la préfiguration de France Travail, futur guichet unique pour les demandeurs d’emploi.
Concernant les entreprises, la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sera supprimée sur deux ans, en 2023 et en 2024. La suppression de cet impôt de production d’un montant de 8 milliards d’euros, créé en 2010, vise à accroître la compétitivité des entreprises, notamment industrielles (art. 55 LFI pour 2023).
Les prêts garantis par l'État "résilience" sont par ailleurs prolongés jusqu'à fin 2023.
Les mesures écologiques
L'effort de rénovation énergétique des logements privés est poursuivi. Le dispositif MaPrimeRénov' Sérénité est renforcé et le dispositif MaPrimeRénov' est davantage orienté vers les opérations de rénovation plus performantes. Les PME bénéficient également d’un crédit d’impôt pour leurs dépenses 2023-2024 de rénovation énergétique.
Pour donner plus de visibilité à cette politique publique, le gouvernement devra, en outre, présenter tous les ans, en annexe du projet de loi de finances, un rapport présentant l'effort financier de l'État en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments (art. 183 LFI pour 2023).
Le verdissement du parc automobile est soutenu, notamment pour lancer mi-2023 le nouveau dispositif de leasing social (location de voiture électrique à 100 euros par mois pour les foyers modestes).
Un fond de 250 millions d'euros finance le plan vélo, annoncé en septembre 2022. Sur amendement des Sénateurs, le crédit d'impôt en faveur des bornes de recharge électrique privées est prolongé jusqu’à fin 2025. Des recettes supplémentaires ont par ailleurs été votées pour les lignes à grande vitesse (LGV), à l’initiative du Sénat.
La stratégie nationale pour la biodiversité 2030 est également financée. Afin de soutenir la décarbonation, les garanties à l'export pour les nouveaux projets d'exploitation d'énergies fossiles cessent début 2023.
Finances des collectivités locales
La loi de finances pour 2023 ne prévoit pas de plafonner les valeurs locatives, qui servent de base de calcul pour la taxe foncière des biens immobiliers. Revalorisées suivant l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé de novembre à novembre, l’augmentation pour 2023 devrait donc avoisiner 7 %, soit le double de 2022.
La dotation globale de fonctionnement (DGF) augmente au final de 320 millions d’euros en 2023 (art. 109 LFI pour 2023). Les Sénateurs, ayant défendu, sans succès, son indexation sur l’inflation. Cet abondement devrait permettre à 95 % des communes de voir leur DGF augmentée ou stabilisée cette année.
Pour compenser le produit de la CVAE des entreprises, les départements, les communes et les intercommunalités se voient attribuer une fraction de la TVA, affectée à un fonds national d'attractivité économique des territoires.
Un fonds d'accélération écologique dans les territoires doté de deux milliards d'euros, aussi appelé "fonds vert", doit venir soutenir les projets de transition écologique des collectivités locales. Ce fonds soutient notamment la performance environnementale des collectivités (rénovation des bâtiments publics...), l’adaptation des territoires au changement climatique (risques naturels…) et l’amélioration du cadre de vie (friches, mise en place des zones à faible émission...).
Dans le cadre du second "plan covoiturage" de l’État, 50 millions d’euros du fonds vert sont versés en 2023 aux collectivités pour la construction d’infrastructures de covoiturage (voies réservées, aires…) et 50 autres millions cofinancent à hauteur de 50% les incitations financières accordées aux covoitureurs par les collectivités organisatrices de mobilité.
Une aide exceptionnelle de 300 millions d’euros a été ajoutée par le gouvernement en faveur des collectivités qui organisent des transports publics, dont 200 millions pour Ile-de-France Mobilités (afin d’éviter une hausse de 20%, voire 33% du passe Navigo).
Pour favoriser les locations à l’année dans les zones touristiques en faveur des locaux et des travailleurs, la loi de finances étend le nombre de communes autorisées à majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et celle sur les logements vacants. Le périmètre des « zones tendues » va concerner près de 4 000 nouvelles communes. Cette liste sera fixée par décret (art. 73 LFI pour 2023).
Les résultats de l’actualisation de la révision sexennale des valeurs locatives des locaux professionnels (RVLLP) seront pris en compte pour l’établissement des bases d’imposition de l’année 2025 (art. 103 LFI pour 2023).
Budgets des ministères et effectifs publics
Les budgets des ministères des Armées, de l'Intérieur et de la Justice bénéficient d'une augmentation supérieure aux autres ministères. À l'Éducation nationale, des crédits sont budgétés pour revaloriser les salaires des enseignants et des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) (+10% à la rentrée 2023).
Au total, plus de 10 000 postes supplémentaires de fonctionnaires pour l'État et ses opérateurs sont prévus en 2023. Ils viendront principalement renforcer les effectifs des ministères régaliens (intérieur, justice et armées) et de l’éducation nationale (+2 000 postes. 2 000 postes d’enseignants seront supprimés et 4 000 postes d'AESH seront créés).
Afin de retracer l’ensemble des dépenses de l’État relatives aux prestations des cabinets de conseils, le Gouvernement devra présenter tous les ans un rapport en annexe du projet de loi de finances. Ce nouveau jaune budgétaire a été créé par un amendement gouvernemental.