Dans le cadre de son partenariat avec la Smacl, Villes de France publie régulièrement un commentaire juridique issu de l’Observatoire des risques juridiques de la vie territoriale.
Fautes commises par le délégataire
La question résolue par cette nouvelle jurisprudence du Conseil d’Etat est la suivante : une collectivité est-elle tenue, en cas de rupture d’une délégation de service public, par les engagements contractuels pris par le délégataire auprès d’usagers ? En mars 2003 une commune confie, par convention de délégation de service public (DSP), la construction et l’exploitation de son port de plaisance à une société privée. Quatre ans plus tard, elle résilie la DSP à raison des fautes commises par le délégataire.
Un usager du port de plaisance demande à ce que la commune soit condamnée à l’indemniser du préjudice né de l’inexécution du contrat de garantie d’usage d’un poste d’amarrage de longue durée qu’il avait conclu avec le délégataire. Débouté en première instance, il obtient gain de cause en appel. Dans un arrêt publié au bulletin, le Conseil d’Etat donne finalement raison à la commune.
Rapport collectivité / délégataire
Le Conseil reconnaît certes qu’en principe la collectivité est tenue par les engagements pris par le délégataire : «en cas de résiliation d’un contrat portant exécution d’un service public, quel qu’en soit le motif, la personne publique, à laquelle il appartient de garantir la continuité du service public et son bon fonctionnement, se substitue de plein droit à son ancien cocontractant pour l’exécution des contrats conclus avec les usagers ou avec d’autres tiers pour l’exécution même du service ». Mais c’est pour mieux préciser « qu’il n’en va toutefois ainsi que si les contrats en cause ne comportent pas d’engagements anormalement pris ». Ce qui exclut les engagements pris par le délégataire qu’une interprétation raisonnable du contrat relatif à l’exécution d’un service public ne permettait pas de prendre au regard notamment de leur objet, de leurs conditions d’exécution ou de leur durée. A moins, bien entendu, que la personne publique n’ait donné, dans le respect de la réglementation applicable, son accord à la conclusion desdits contrats. A défaut, la collectivité n’est pas liée par les engagements pris par le délégataire : « la substitution de la personne publique n’emporte pas le transfert des dettes et créances nées de l’exécution antérieure des contrats conclus par l’ancien co-contractant de la personne publique, qu’il s’agisse des contrats conclus avec les usagers du service public ou de ceux conclus avec les autres tiers ».
Or en l’espèce, le délégataire a bien pris des engagements déraisonnables en octroyant à l’usager une affectation privative d’un poste d’amarrage précisément localisé en violation de la convention de DSP qui stipulait que la garantie d’usage de postes d’amarrage ou de mouillage accordée à une personne physique ou morale était donnée pour le seul accès à un poste dans une zone déterminée du port sans pouvoir permettre l’affectation privative d’un ou plusieurs postes déterminés. Ainsi le contrat invoqué ne peut être regardé comme un engagement que la société délégataire pouvait normalement prendre et ne saurait donc lier la commune.
Ce qu'il faut en retenir :
- En principe en cas de résiliation d’un contrat portant exécution d’un service public, la personne publique doit garantir la continuité du service public et poursuivre de plein droit l’exécution des contrats conclus avec les usagers ou d’autres tiers.
- Mais encore faut-il que les engagements pris par le délégataire ne soient pas déraisonnables. Dans le cas contraire, ce n’est que si la personne publique a donné son accord à leur conclusion (dans la limite de la légalité) qu’elle sera tenue d’en poursuivre l’exécution.
- Ces règles s’appliquent sans préjudice des dispositions législatives applicables en matière de transfert de contrat de travail.
Conseil d’État, 19 décembre 2014, N° 368294 :
http://www.observatoire-collectivites.org/spip.php?article5119
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