ONDES
URBAINES

Ondes urbaines n°36 -

Faut-il vraiment tout confier aux intercommunalités ?


Au-delà du constat qu’il existe des modèles de gouvernance pluriels dans les intercommunalités des Villes de France (associant presque toujours une « conférence des maires » dans le processus de décision intercommunal), l’État envisage aujourd’hui une réforme d’ampleur des dotations qui ferait la part belle à une DGF territoriale, en même temps que serait accéléré le processus de mutualisation des services et d’extension des périmètres des EPCI.
Des propositions qui apparaissent en décalage avec les attentes élus des Villes de France exprimées lors des 7ès rendez-vous de l’intelligence locale sur l’intercommunalité. La simultanéité de la réforme de la DGF avec l’extension des périmètres intercommunaux apparaît dangereuse et excessive. Pour Jacques Lamblin, député-maire de Lunéville, chargé de faire la synthèse des questions financières, à l’issue des débats «  le constat que nous faisons en interne, c’est que les villes-centre sont vraiment à la peine, la capacité d’autofinancement de ces villes va en diminuant ». Faute de stabilisation des périmètres intercommunaux, il est donc aujourd’hui prématuré qu’une dotation globale de fonctionnement (DGF) entièrement intercommunale ou régionale soit envisagée.
Répartition des ressources et des charges
Lors de ce débat, l’analyse livrée par Eric Julla, Consultant en finances locales, soulève une difficulté majeure connue des Villes de France, l’inégalité de fait entre la ville-centre et son EPCI, dans la répartition des charges. Ainsi, la ville-centre est souvent la commune qui offre le plus de services aux populations sur le territoire de l’EPCI et celle qui, dans le même temps, contribue le plus à leur financement. Les dépenses de fonctionnement sont ainsi peu « intercommunalisées » et l’effort fiscal est en règle générale concentré sur la ville-centre. Pour cet expert, la question de ces charges de centralité reste à régler. Du côté des élus, il serait prématuré que la réforme annoncée de la DGF, fasse écho à des revendications d’une DGF territoriale qui nieraient, ou réduiraient la prise en compte de ces charges.
Jusqu’où les mutualisations nous conduirons-t-elles ?
En tant qu’experte, Morgane Weill, Inspectrice générale des finances, a présenté les grandes lignes du rapport mené par l’IGF et l’IGA sur les pratiques de mutualisation, remis en début d’année au Gouvernement. Partant des remontées et visites de terrain, celle-ci souligne la variété des pratiques et l’hétérogénéité des modèles. Finalement, il n’y a pas de modèle unique et « force est de reconnaître l’importance des mutualisations d’opportunité ». En termes d’économies générées, le constat reste également nuancé, puisque cette dernière souligne que « les mutualisations n’ont pas produit d’économies nettes à ce stade, mais ont plutôt généré une extension des services ». La contrainte budgétaire renforce toutefois la prise de conscience de l’intérêt de ces pratiques.
Du côté des élus, il a été souligné que la ville centre concentre l’essentiel des ressources financières et fait vivre le territoire, en offrant des services publics de qualité au-delà de son périmètre propre. Si les mutualisations et l’objectif « d’intégration » des EPCI restent – à moyen terme générateur d’économies d’échelle – ce processus ne peut se faire contre ou bien sans la ville centre.
Natacha Bouchart, sénatrice-maire de Calais, a souligné à ce sujet que la mutualisation est une réponse parmi d’autres pour espérer faire des économies. Mais « mettre en place une intercommunalité à marche forcée serait une grave erreur, supprimer la commune n’est pas possible », et c’est pourtant toujours un des objectifs poursuivis dans le projet de loi NOTRe.
Pour ou contre la DGF territoriale ?
Pour l’État, et par la voie de son représentant, Serge Morvan, Directeur Général des Collectivités Locales, mais aussi pour la Cour des Comptes, la mise en place d’une DGF territoriale permettrait à l’intercommunalité de franchir un cap supplémentaire d’intégration. A cette vision profondément centralisatrice et déconnectée de la réalité des territoires, les élus des Villes de France ont répondu qu’ils préféraient l’incitation à la contrainte. Localiser les dotations de l’État via une DGF territoriale serait préjudiciable à la gouvernance du bloc communal déjà délicate, et les disparités nationales seraient amenées à subsister.

 

Au-delà de la seule mutualisation des ressources qui renvoie finalement aux problèmes de gouvernance, Michel Heinrich, député-maire d’Épinal, estime fondamental que les efforts en matière de péréquation soient préservés au niveau national, et« si réforme il y a, les élus ont le droit à de vraies simulations ».

n°36

09 Avril 2015

2






Partager sur :



Directeur de la publication
Président : Gil Avérous

Directeur de la publication
Jean-François Debat

Rédacteur en chef
Guillaume Ségala

Rédaction
Armand Pinoteau, Margaux Beau, Arthur Urban, Anaëlle Chouillard

Secrétariat
Anissa Ghaidi